• Entretien: Pierre Schoeller - L'Exercice de l'Etat

    Par Michel Decoux-Derycke - Avec "L'Exercice de l'Etat", Pierre Schoeller réalise son quatrième long-métrage. Le film qu'il a aussi écrit a remporté plusieurs prix: Prix de la Critique internationale au Festival de Cannes, le Valois de la mise en scène au Festival du film francophone d'Angoulême et le Bayard d'Or au Festival International du Film Francophone de Namur. Ces prix sont largement mérités pour un film faisant l'unanimité auprès des critiques et offrant à Olivier Gourmet et Michel Blanc de beaux rôles.
    Lors du dernier FIFF, j'ai eu l'occasion de poser quelques questions à Pierre Schoeller, par ailleurs un homme très disponible et très sympathique.

    Comment l'idée de "L'Exercice de l'Etat" vous est-elle venue ?

    Je crois que je n'aurais pas pu faire un autre film que celui-là. C'est un projet qui mûrissait depuis longtemps, avant même "Versailles". C'est la rencontre du cinéma et du pouvoir. Pas le côté pouvoir qu'on connaît, qui transparaît à la télévision ou dans les articles de presse. Non, non, le pouvoir qui agit, le pouvoir de ceux qui, un peu, tiennent notre vie entre leurs mains. C'est cela qui me passionnait: interroger ces décisions, ces actions, les limites de ces actions et l'euphorie que peuvent avoir ces personnages à être dans l'action.

    Pierre Schoeller

    Pourquoi avoir choisi un ministre plutôt qu'un président ?

    Un président, c'est compliqué. Un ministre, c'est un éxécutant ordinaire de la politique gouvernementale, surtout un ministre des Transports. C'est pour cela que je n'ai pas pris un ministère trop gros comme la Justice, la Défense ou l'Education. Ce sont des ministères à très haute histoire politique. Les Transports, c'est un ministère assez simple qui intervient plus dans notre quotidien.

    Comment avez-vous imaginé le personnage de Bertrand Saint-Jean ?

    Il est venu peu à peu. Je voulais un personnage généreux, intéressant à suivre. Assez crédible dans le côté animal politique. C'est pour cela que ce n'est pas un personnage idéaliste, ce n'est pas un juste ou un pur cynique, cela ne m'intéressait pas du tout. Je voulais quelqu'un qui soit jeune, qui se construit sa carrière politique. Qu'on se dise qu'il va rester assez longtemps dans le paysage politique.
    Quand on écrit, c'est très instinctif. Cela passe par des sensations. Il y a telle chose qui vous séduit, qui vous amuse. Il y a tel moment qui vous semble intense pour le cinéma. C'est comme cela que le personnage s'est créé.

    Avez-vous pensé tout de suite à Olivier Gourmet pour le rôle ?

    Non, c'est venu par après. J'écris sans penser aux comédiens. Après, une fois que le film commence à se monter, à exister, on a commencé à chercher avec Renée Guichard, ma casteuse. Nous avons dressé des listes de comédiens avec nos envies communes. J'ai rencontré beaucoup de comédiens et peu à peu, le choix d'Olivier s'est imposé.

    N'est-ce pas ironique que ce soit un Belge qui joue un ministre français ?

    Au début, ça me gênait. Et puis, en fait, le film est une pure fiction donc on n'y pense pas. On voit un comédien. Olivier a une cinématographie des deux côtés de la frontière, il est d'abord comédien. Je ne dis pas qu'un comédien n'a pas de nationalité mais à un moment donné, dans le jeu, c'est le comédien qui fait sa nationalité.

    Le directeur de cabinet est joué par Michel Blanc, comment le choix s'est-il opéré ?

    C'est la même chose que pour Olivier Gourmet. Sauf que j'ignorais que Michel Blanc avait envie de jouer ce personnage. Il m'a dit que si je lui avais proposé de jouer le ministre, il ne l'aurait pas pris. Ce qui l'intéressait, c'est de jouer le directeur de cabinet. Et cela, c'était une belle surprise. Vous avez un comédien qui, d'emblée, a une envie du personnage avant même l'histoire. Du coup, le travail avec lui s'en est trouvé facilité. 

    Avez-vous tourné dans les lieux même du pouvoir ?

    Oui, dans des ambassades, à l'Elysée, dans l'hôtel particulier voisin du ministère des Transports. Cela nous a beaucoup aidé à avoir confiance dans ce que l'on raconte.
     

    Comment les hommes politiques ont-ils pris ce film ?

    Pour moi, cette question n'est pas primordiale. Le premier spectateur du film, ce n'est pas l'homme politique, c'est le citoyen. La question n'est pas de savoir si les hommes politiques vont aimer le film. La question est de savoir comment on peut avoir une image un peu plus juste du politique. Je ne cherche pas une image élogieuse, rassurante ou de connivence. J'essaie de faire d'abord un thriller et peut-être d'approcher le fait politique dans ce qu'il y a de plus actuel. C'est-à-dire la tension, le sentiment de catastrophe. C'est pour cela que le film est un thriller. Nous vivons dans une époque difficile, tendue. Mais qui est, en même temps, passionnante. Il y a beaucoup de choses possibles. La politique est une chose qui naît, meurt et renaît constamment.

    Avec ce film, préparé de longue date, votre regard a-t-il changé sur la politique ?

    Je me dis qu'ils font un travail dur. ait beaucoup de mal, c'est le jeu politicien. Alors que ceux qui entourent les politique, ceux qui élaborent l'action ont encore une certaine croyance en la chose publique et à l'intérêt général. Cela ne se voit pas toujours d'où un sentiment de dépit. Il ne faut pas abandonner la chose publique.

    Lire aussi l'entretien avec Olivier Gourmet

    « Entretien: Bouli Lanners - Les GéantsEntretien: Olivier Gourmet - L'Exercice de l'Etat »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , , ,