• Entretien: Bouli Lanners - Les Géants

    Par Michel Decoux-Derycke - Après "Ultranova" en 2004 et "Eldorado" en 2008, Bouli Lanners nous revient avec "Les Géants". A l'heure actuelle, le film a été couronné de trois prix: deux à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et un au Festival de Dieppe.
    Pour promouvoir son troisième long métrage, Bouli Lanners a vécu un véritable marathon. Il a enchaîné les entretiens avec la presse dans un hôtel bruxellois. Ce jour-là, j'étais le dix-septième à lui poser des questions. Sans doute les mêmes que le confrère précédent et suivant. Malgré la fatigue, légitime, Bouli Lanners a répondu avec gentillesse à mes questions.

    Comment est venue l'idée du film ?

    Il y a eu deux rencontres. L'une avec un adolescent poussant, sur le bord de la route, une mobylette en panne et étant tout en sueur. Il revenait de Maastricht où il s'était payé un bout de shit. Il voulait que je lui vende à boire. Il n'en était pas question, je lui ai payé un verre. On a discuté et il m'a touché par sa fragilité. Et puis deux, trois jours après, je croise deux ados arrivant des Ardennes et cherchant une adresse à Liège. Ils étaient un peu paumés, ils ne savaient plus vraiment le nom de la rue. Je les ai déposés tout en essayant de savoir ce qui les poussait à venir à Liège au milieu de la nuit. 
    La fragilité de ces deux rencontres d'ados, ça m'a touché. L'idée première, c'était de faire un film avec les ados confrontés à un monde adulte un peu dur.

    Bouli Lanners

    Le film se déroule à la campagne, pourquoi ?

    Au départ, cela devait se tourner dans un endroit plutôt périurbain, la grande périphérie de la ville là où commence la campagne. En fait, cela ne fonctionnait pas. Tout était prêt pour tourner mais cela n'allait pas. Comme le film a une thématique de film social, par exemple la démission parentale, on allait se poser trop de questions qui n'étaient pas les bonnes. Pourquoi les voisins n'appellent pas la police, pourquoi ils volent de la nourriture sans se faire choper,  pourquoi l'écluse, ... ? Ce sont des considérations logistiques qui m'ont quelque peu énervé. J'aime bien raconter une histoire sans que l'on sache où cela se passe.
    J'avais repéré cette rivière longtemps avant, j'ai été la revoir et l'évidence m'est venue. C'est dans ce milieu, la nature, que cela doit se passer. Du coup, cela faisait comme un conte, un conte comtemporain.

    Le casting est très réussi notamment les trois ados (NDLA: ils viennent de remporter le Bayard d'Or du meilleur comédien à Namur), comment avez-vous travaillé ?

    Cela a été un long casting. J'ai lancé un appel public via le web, les radios, la télé et les quotidiens. Comme nous sommes dans une ère où tout le monde veut devenir une star, j'ai eu une masse de réponses: trois à quatre mille candidats. Les parents poussent pour que les gamins se présentent au casting. Cela s'est donc fait en plusieurs temps. J'avais un directeur de casting à Bruxelles et un à Paris. Ils ont réceptionnés les demandes, ont organisé les rendez-vous et ont filmé les ados. Après, j'ai regardé les vidéos et j'ai commencé à repérer ceux qui sont bons. Il faut bien se dire que sur trois mille candidats, il n'y en a pas beaucoup qui sont bons. Avec ceux-là, j'ai travaillé plus longtemps. Au final, cela m'a pris pas mal de temps pour trouver les trois ados du film.

    Dans le film, il y a, une nouvelle fois, Didier Toupy. Pourquoi cette récurrence ?

    (rires) C'est ma mascotte. J'ai l'impression que s'il n'était pas dans mes films, cela me porterait malheur. Il était là au début et puis, c'est un personnage tellement particulier. Il a une tronche et il a un phrasé extraordinaire. Il ne faut pas oublier qu'il a fait le Conservatoire. C'est un comédien que l'on peut diriger au centimètre près. Donc j'ai besoin de Didier dans mes films et il sera encore dans le prochain. 

    La musique est fort présente,  c'est Bony King of Nowhere qui l'a faite. Pourquoi avoir choisi ce groupe ?

    Je fais toujours un CD avec les musiques potentielles du film. Je voulais du folk, du banjo. J'avais, sur ce CD, les groupes de la nouvelle vague folk qui déferle pour le moment. Et puis on m'a parlé de Bony King of Nowhere, je les connaissais déjà, Ann Pierlé me les avait présentés. J'ai été voir un de leurs concerts et oui, ce sont eux qu'il me fallait. Nous avons discuté, ils ont été séduits par le projet. Le leader du groupe est venu sur le plateau, il se baladait, il regardait des petits bouts de montage puisque nous montions en parallèle. Il a composé les musiques sur place et les a enregistré dans sa chambre d'hôtel. Ce qui fait que j'avais toutes les maquettes sur le plateau, cela a permis de les affiner. La musique fonctionne en osmose avec le film. Cela fait partie du même processus de création, ça a été coulé dans la même matière.

    Si vous deviez donner envie aux lecteurs d'aller voir ton film en trois mots, que diriez-vous ?

    En trois mots, c'est court (rires). C'est un vrai film de cinéma. Il y a cette histoire d'amitié entre ces trois gamins qui sont émouvants et on part avec eux. Même moi, je me laisse aller complètement quand je revois les images. C'est un voyage qui nous amène loin, à l'intérieur de nous. Venez voir mon film et puis, on en discutera.

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