• Entretien: Olivier Gourmet - Terre battue

    Par Michel Decoux-Derycke - Est-il besoin de présenter Olivier Gourmet ? Révélé en 1996 par "La Promesse" des frères Dardenne, depuis lors, il a joué dans les cinq autres films des réalisateurs liégeois ainsi que dans septante-deux autres films. Une filmographie qui va de Patrice Chéreau à Stéphane Demoustier en passant par Cédric Klapisch, Jacques Audiard, Bertrand Tavernier, Michael Haneke, Abdellatif Kechiche, Pierre Schöller ou encore Marion Hansel.
    C'est à Bruxelles que je l'ai rencontré. Entretien avec l'un des acteurs belges les plus prolifiques.

    Qu'est-ce qui vous a fait accepter le rôle ?

    Comme toujours la pertinence du scénario et ces personnages auxquels je peux m'identifier. Qui sont des vrais personnages dans des situations concrètes et réelles de notre société aujourd'hui. Parce que c'est toujours ça qui continue à m'émouvoir: la complexité de notre société, les ressorts humains pour se dépatouiller dans ce monde.
    L'intéressant, c'est ce film sur l'ambition et l'obsession de la réussite qui sont devenus notre pain quotidien. On ne peut qu'agir comme ça si on veut résister dans son métier, sa profession. Toujours être plus performant, une espèce d'esprit de concurrence au détriment de l'humain.

    Olivier Gourmet © David Ameye

    Malgré ces aspects négatifs, votre personnage croit à ce culte de la performance.

    Ah, il est plein d'optimisme. Il ne remet pas en question, il cautionne. Il fait preuve d'un certain cynisme lui-même. D'une forme d'optimisme quelque part très naïve. Parce qu'imaginer à son âge de créer une société sans l'appui des banques... En même temps, c'est un personnage paradoxal au premier degré. Il connaît le système, il a grandi dedans, il a été lui-même directeur de grands magasins, il connaît la réalité du terrain et la difficulté à faire vivre une entreprise ainsi que les exigences. Malgré ça, il fonce tête première. C'est une forme de désespoir, de solitude et un échec personnel. Oui, un échec personnel parce qu'il passe à côté de son métier, de sa femme et de son fils.

    Pour préparer votre rôle, êtes-vous allé voir des gens de la grande distribution ?

    Non, parce qu'on était plus dans une situation de recherche d'espoir, d'optimisme et d'échec que dans le documentaire d'un patron au sein d'une entreprise. Si Stéphane avait dit: "moi, je veux parler d'un chef d'entreprise, de sa vie au quotidien, son rapport avec ses employés", alors oui. J'aurais demandé à rencontrer des gens, à aller voir sur place. Mais là, ce n'était pas le cas, on était plus dans un cadre intime d'un homme, de son fils, de sa relation avec sa femme et dans une reconstruction. 

    La relation avec sa femme  ?

    Il l'aime, elle s'efface, elle disparaît petit à petit. Et il ne s'en rend pas compte. Cet homme est quelqu'un qui ne peut exister qu'à travers son travail, qui ne pense exister au regard des autres parce ce qu'il est au travail et non pas parce ce qu'il est en tant qu'homme, mari et père. Il ne voit pas sa femme partir, il en est le premier surpris. Cela le cueille à froid. C'est d'ailleurs la seule chose qui l'abat. 

    Et celle avec son fils ?

    Il passe à côté de son fils. Parce qu'il est aveuglé par sa propre ambition. Et il n'a pas de temps à lui consacrer. Parce qu'il est paradoxal, il est dans une ambition, un désir de réussite et à son fils, il dit: "joue pour le plaisir, ne te mets pas de pression". Il ajoute: "ne joue pas pour être le meilleur, cela ne sert à rien". 

    N'avez-vous pas eu peur de tourner avec quelqu'un qui réalisait son premier long métrage ?

    Non. Déjà en lisant le scénario, on voyait qu'il était travaillé. Intelligent, sensible, fort, pertinent. On sent quelqu'un derrière qui a une vision des choses, une singularité. C'est une base énorme. Après, j'ai rencontré Stéphane parce qu'on peut écrire un bon scénario et ne pas savoir le mettre en images. Sans que je le demande, Stéphane m'avait envoyé ses courts métrages. Là, j'ai vu quelqu'un qui en voulait, qui avait une forte envie de cinéma. 
    Bien entendu, on se pose quelques questions. On voit si la personne est suffisamment forte, met assez d'atouts de son côté, s'entoure de gens qui vont pouvoir l'épauler et l'aider.

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