• Entretien: Lorraine Lévy - Le fils de l'Autre

    Par Michel Decoux-Derycke - "Le fils de l'Autre" est le troisième long métrage de Lorraine Lévy. Cette dernière est aussi auteur de théâtre, scénariste et réalisatrice télé. Elle est la soeur cadette de l'écrivain Marc Lévy, dont elle a réalisé l'adaptation de son roman "Mes amis, mes amours".

    Comment avez-vous eu l'idée du film ?

    Je n'ai pas eu l'idée. On me l'a proposée. Je l'ai trouvée, à la fois, très excitante et très inquiétante. J'avais peur de ne pas être capable, j'avais peur de tous les clichés. Clichés induits par l'idée que l'on se fait du conflit israélo-palestinien. Celui-ci est douloureux, interminable, terriblement préoccupant. Finalement, je n'ai pas pu résister à l'envie de m'emparer de cette histoire. J'ai travaillé le scénario pour l'emmener vers ce que j'avais envie de faire du film. J'avais envie de faire un film d'ouverture qui incite à aller vers l'autre. L'autre étant l'altérité la plus éloignée de soi-même.

    Lorraine Lévy

    Cet échange d'enfants a-t-il vraiment existé en Israël ?

    Pendant la guerre du Golfe, en 1991, des Scuds ont traversé le ciel israélien et certains sont tombés non loin d'une maternité d'Haïfa. Qu'est-ce qui se passe alors ? On évacue dans l'urgence, dans le stress et dans un état de panique qui fait qu'on n'a pas le temps de mettre des petits bracelets pour identifier les enfants. On pense d'abord à les mettre à l'abri. Dans cette panique, des enfants ont été mal réattribués. J'ai lu des témoignages de personnes sachant qu'ils ne sont pas les enfants biologiques de leurs parents. Donc cette réalité est malheureusement fondée.

    Comment les acteurs ont-ils adhéré à votre projet ?

    Je suis partie de France avec quelques acteurs et techniciens français. Il y avait notamment Emmanuelle Devos, Pascal Elbé, Jules Sitruk. Ce dernier a bien grandi depuis "Monsieur Batignole". Aussi Mehdi Debhi qui est belge et né à Liège.
    Tout le reste de l'équipe, je les ai trouvés sur place. Je voulais une équipe mixte, qui soit à l'image du film. Je voulais être sincère dans mon propos. Donc notre équipe était constituée d'acteurs et de techniciens français, israéliens et palestiniens. Le scénario a été traduit en anglais, ensuite en hébreu et en arabe. J'avais demandé à absolument tout le monde d'en prendre connaissance pour que tous adhèrent à l'histoire.


    En tant que juive de France donc de l'extérieur, était-ce important de faire un film sur le conflit israélo-palestinien ?

    Oui mais j'avais très peur. Parce que cela pouvait très vite être un piège. Comment dire ? Je suis juive mais pas israélienne. Par conséquent, je n'ai pas à me mêler de la politique d'un pays qui n'est pas le mien. Il faut rester humble devant ces situations-là. En revanche, je suis juive et ce qui se passe en Israël me bouleverse, me touche. Je sentais qu'il y avait une responsabilité à aller là-bas.

    Votre film se termine sur de l'espoir, tout comme "Une bouteille à la mer" de Thierry Binisti, est-ce le signe d'un changement ?

    Je peux vous dire qu'en allant là-bas, j'ai rencontré une jeunesse, de part et d'autre du mur de séparation, qui dit la même chose. On en a marre, on a envie de vivre, on a envie d'être libre. On veut que des solutions soient trouvées. Ce cri de la jeunesse, il faut qu'il soit entendu. Entendu par qui ? Par les hommes politiques. Nous, les jeunes cinéastes, Thierry Binisti et moi-même, sommes en prise directe avec cette jeunesse. Finalement, c'est elle qui nous inspire.

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