• Entretien: Hubert Charuel - Petit Paysan

    Par Michel Decoux-Derycke - Fils d'un couple d'agriculteurs, Hubert Charuel a travaillé dans le secteur de l'élevage laitier avant de se lancer dans des études de cinéma. Il a réalisé trois courts métrages: "Diagonale du vide", son film de fin d'études, en 2011, "K-nada" en 2015 et "Fox-Terrier" en 2016. Son premier long métrage "Petit Paysan" a été projeté au dernier FIFF Namur, il y a remporté le Prix BeTV - Long métrage et le Prix du Jury Junior.
    C'est au Théâtre Royal de Namur que j'ai rencontré Hubert Charuel pour parler de son film. Entretien agréable avec un réalisateur les pieds sur terre.

    D'où vient l'idée du film ?

    Je suis fils d'éleveurs laitiers donc du coup, l'dée vient du fait que je me pose toujours la question: qu'aurait été ma vie si je n'avais pas décidé de faire du cinéma, si j'avais repris l'entreprise familiale ? Je pense que c'est un des points de départ, le deuxième point de départ, c'est que j'avais une dizaine d'année au moment de la vache folle et que c'est un souvenir assez traumatisant. A l'époque, je voyais mes parents qui avaient très, très peur de cette maladie, avaient peur que ça leur tombe dessus. Il y avait vraiment un climat assez anxiogène, cela m'a marqué à l'époque. Quand on m'expliquait le principe de précaution, un animal malade égal tout le troupeau abattu, moi, j'avais pris conscience que, pour un animal malade, tout mon univers s'écroulait. J'ai un peu grandi avec cette idée du c'est pas juste.
    Le troisième point, c'était la volonté de faire un film de genre dans cet univers-là. Très clairement. De faire une fiction avec cet univers, c'est un univers qui le mérite.

    Que pensez-vous de l'accueil fait à votre film ?

    Hyper-content. Avant de venir à Namur, "Petit Paysan" a été projeté à Mons, au Plaza Art. Cela s'est fait dans une salle remplie, très réactive. Et je n'ai jamais eu autant de questions cinéphiles. Par rapport à la photographie, ... Parfois, on répète un peu les mêmes choses aux gens, aux médias. Là, c'est vrai que les questions se renouvellent, c'est très porté sur  la fiction, sur ce qu'on raconte. Des fois, je parlais tellement du sujet de l'agriculture que j'en oubliais pourquoi j'avais fait ce film, pourquoi j'avais quitté l'agriculture. Cela m'a obligé à réfléchir.

    Hubert Charuel - Photocall FIFF (c) Enzo Zucchi

    Un fils de paysan devenu cinéaste, c'est rare.

    Oui, c'est très rare. Je me posais la question si je voulais échapper à mon milieu d'origine, je n'ai pas encore la réponse. Mais il y avait une volonté de partir, je pense. Il y a aussi quelque chose de dangereux dans le milieu de l'agriculture, c'est lié à la vie, à la mort. La mort des animaux, je n'avais peut-être pas envie d'y être tout le temps confronté. Parce que c'est douloureux pour moi. Il y a la volonté de s'en éloigner. Il y a autre chose aussi, mes parents étaient complètement accaparés par ce métier, cela leur prenait toute la vie. Finalement, on ne partait pas en vacances, pas en week-end, on faisait l'effort d'aller une fois par semaine au cinéma. Pendant quatre heures, on allait au cinéma, après, on allait manger dans une chaîne de fast-food très connue parce que c'était le seul truc qui était ouvert quand on sortait du cinéma. Pendant quatre heures, on parlait d'autre chose, on n'était pas dans la ferme. C'était une manière de voyager, de parler d'autre chose, de ne pas être tout le temps dans le tourment et dans l'inquiétude.

    Vous avez utilisé la ferme de vos parents dans le film ?

    Oui et je dis toujours que c'était ma manière à moi de reprendre la ferme. En l'utilisant dans le film, c'était une façon de lui dire au revoir.

    Pourquoi avez-vous choisi Swann Arlaud et Sara Giraudeau ?

    Je cherchais plutôt un non-professionnel. Parce qu'il fallait que je croie aux gestes, au corps. Du coup, c'était hyper-important de chercher quelqu'un comme ça. Mais le rôle était tellement dense et j'ai compris que je ne trouverais pas ça chez un non-pro. C'est Judith Chalier, ma directrice de casting, qui m'a parlé de Swann. Je lui ai dit que si je ne m'entendais pas avec la personne, ça n'irait pas. Quand j'ai fait des essais avec Swann, je ne dormais plus depuis trois semaines, j'avais rencontré cinquante personnes qui ne convenaient pas et quand j'ai rencontré Swann, le soir j'ai dormi. A la suite des essais, Swann m'a dit que si c'était lui, il fallait absolument qu'il aille faire du sport, qu'il prenne de la masse musculaire. Qu'il irait apprendre à traire des vaches. Il avait tout compris ! C'est quelqu'un qui s'investit, d'extrêmement passionné.
    Pour Pasacale, la soeur, on se posait beaucoup de questions avec ma co-scénariste. Sara s'est battue pour avoir le rôle. Surtout elle a amené quelque chose d'inattendu. Nous, on avait un personnage très froid, très droit. Sara, quand elle est arrivée, elle a ramené de la délicatesse, de la douceur. Elle a rendu le personnage de Pascale bien plus intéressant.


    Bouli Lanners ?

    Je suis fan de Bouli. Il y a eu peu de rôles écrits pour des gens dans ce film, à part Bouli et India Hair qui joue le rôle de la boulangère. Je pensais qu'il n'accepterait pas, qu'il avait autre chose à faire que de jouer dans un petit film. Quand il m'a appelé pour accepter, j'étais heureux. C'était génial de travailler avec lui, il a apporté énormément au rôle.

    Avez-vous d'autres projets ?

    J'ai juste un petit projet de documentaire que j'ai déjà en partie tourné sur la ferme de mes parents. Ce sera une manière de boucler la boucle. Pour la suite, je vais me laisser le temps, il y a des idées, des envies. Hors du milieu agricole.

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