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Entretien: Cédric Klapisch - Ce qui nous lie
Par Michel Decoux-Derycke - Cédric Klapisch est réalisateur et scénariste. C'est son deuxième long métrage "Le Péril jeune", réalisé en 1994, qui l'a fait connaître au grand public. On lui doit aussi la trilogie "L'Auberge espagnole", "Les Poupées russes" et "Casse-tête chinois". Son dernier film "Ce qui nous lie" parle de vin, de la famille, de transmission, c'est à Bruxelles que je l'ai rencontré pour en parler avec lui.
Pourquoi ce film ?
C’est compliqué de répondre à ça avec ce film-là. La première réponse est que j'aime le vin, j’ai toujours aimé le vin. Le point de départ, c’est que j’ai eu envie de faire un film sur le vin, comment on fabrique le vin, pourquoi les gens qui fabriquent du vin sont très particuliers, quand on a une famille qui fait du vin, c’est pas comme des professeurs ou des médecins. Il y a ces histoires de transmission, ce rapport au temps, en fait, tout ce qui était attaché au vin m’intéressait. J’avais un fantasme au début, je me disais que la fin du film, il faudra que quelqu’un boive un verre de vin et le spectateur se dira que dans ce verre de vin, il y a la vie de la personne, le paysage qui s’est inscrit dedans, … J’avais envie que dans un verre de vin, il y ait beaucoup de choses.
En fait, ça m’a emmené de parler de la famille, de la transmission. Au bout du compte, cela parle de trois frères et d'une sœur. J’ai appelé le film Ce qui nous lie très tardivement, à la fin du montage. Parce que je me suis rendu compte que la fraternité, ce qui relie les frères et sœur, c’est devenu le thème principal du film.
Vous parlez de l’importance de la famille, des racines, de la transmission, de l’héritage, de quel genre de famille venez-vous ?
Il y a un truc fort, c’est que les deux parents étaient enfants pendant la guerre. Du coup, il y a un rapport à ça qui est très fort. Ils sont juifs, c’étaient des enfants cachés. Un a été plutôt dans les Alpes, l’autre plutôt dans la Drôme. Cela a beaucoup marqué mes parents. Moi, je suis né en 1961 après guerre, c’est quelque chose qui était beaucoup plus joyeux. Je suis de la génération des gens qui ont échappé à ça, qui sont nés dans une période de paix. C'est vrai que j'ai toujours vécu dans l'idée qu'il y a quelque chose d'un privilège à avoir échapper à la guerre. Donc je pense que l'héritage de mes parents, c'est ça. Des gens qui m'ont permis d'être heureux, avec la notion de plaisir qui est beaucoup plus facile pour moi que pour eux. Le vin rentre dans ça, c'est un plaisir le vin. Je sais que mes deux parents ont plus de mal à avouer qu'ils ont du plaisir.Comment avez-vous fait votre casting, est-ce que vous avez déjà les acteurs en tête quand vous écrivez le scénario ?
Dans ce film, je suis parti de Pio Marmaï. J'avais envie de travailler avec lui, j'ai inventé le personnage en pensant à Pio. Ensuite, au casting, j'ai fait la rencontre entre François Civil et Pio, je me suis dit qu'ils pouvaient être frères. Il n'y a pratiquement pas eu de casting. Après, il fallait choisir la soeur, là, j'ai vu pas mal d'actrices pour trouver la fille qui pouvait aller avec les deux garçons. On a trouvé Ana qui était l'actrice qui correspondait le mieux et qui matchait le mieux avec les deux garçons. Cela fait, j'ai écrit l'histoire. C'est vrai que j'ai connu les trois acteurs avant de finaliser l'histoire.
Je ne sais plus si c'est Renoir ou Truffaut qui disait: "le casting, c'est 90% de la direction d'acteurs". C'est un peu la même idée, il y a beaucoup de choses qui se décident au casting. Et après, il y a tout le travail: les lectures, les répétitions mais pour moi, il y a déjà de choses qui sont faites dans le choix des acteurs.
Y aura-t-il une suite à la trilogie "L'Auberge espagnole"-"les Poupées russes"-"Casse-tête chinois" ?
Je ne crois pas. Parce que j'aime bien l'idée de la trilogie. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont déjà dites dans les trois films. Ce serait le film de trop si je faisais un quatrième.
Quand vous voyez vos films au cinéma ou à la télé, cherchez-vous des erreurs ?
Un peu oui. Là, je n'ai pas assez de recul pour "Ce qui nous lie". Récemment, j'étais dans un cinéma, j'ai vu les vingt dernières minutes, je me disais que ce plan-là, j'aurais pu le faire autrement. Il faut longtemps pour ne pas être dans cette logique. Quand on a terminé, on n'est que dans la logique du travail.
Comment les spectateurs de vos avant-premières ont-ils réagi, particulièrement les viticulteurs ?
A Bordeaux et à Beaune, par exemple, les gens pleurent plus. Ils savent que le film est très représentatif, très documenté. Les viticulteurs s'identifient beaucoup.
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