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Entretien: Bernard Bellefroid - Melody
Bernard Bellefroid est un réalisateur belge. En 2003, il est lauréat de la Fondation belge de la vocation et remporte le Grand Prix de la Communauté française Fureur de Lire, pour sa nouvelle littéraire "Ibuka Muzungu souviens-toi, le prédateur blanc". Il débute au cinéma en 2000 avec le documentaire "Nous sommes au monde", suivront trois autres documentaires et deux courts métrages . En 2009, il réalise son premier long métrage de fiction, "La Régate", Prix du jury junior et Prix du public au Festival international du film francophone de Namur et Prix du public au Festival Premiers Plans d'Angers.
C'est au FIFF à Namur que je l'ai rencontré. Entretien avec un réalisateur prophète en son pays.Comment avez-vous eu l'idée du film ?
C'est parti d'un fait divers arrivé en Flandre il y a quelques années. Un jeune couple a décidé de porter un enfant pour un autre couple. Une histoire assez triste et sordide. Au cours de la grossesse, il y a eu chantage et puis l'enfant s'est retrouvé sur eBay. C'est le point de départ du film, pas le seul, et aussi de l'écriture. C'est aussi la question de la gestation pour autrui, des mères porteuses. Au cours de l'écriture, les personnages grandissant en moi, c'est devenu peu à peu un film sur l'adoption.
Pourquoi avoir choisi des personnages de nationalités différentes ?Effectivement, il y a une Française et une Anglaise. J'avais envie de mettre ces deux pays face à face. Ce sont deux vieux Empires avec chacun leurs tabous, chacun les choses qu'ils acceptent. Le film traite aussi de l'accouchement sous X qui n'existe qu'en France. Dans tous les autres pays, une maman, qui veut abandonner son enfant, doit laisser son nom. Et puis, les mères porteuses, en Angleterre, sont autorisées sous des conditions assez strictes.
J'avais également envie de faire un film bilingue. Qui raconte une histoire européenne dans la mesure où la moitié du film est en français, l'autre en anglais. Chaque personnage attire l'autre dans sa langue. Dans le cadre de tensions, du conflit.Le choix des comédiennes était donc important, comment les avez-vous choisies ?
Cela s'est fait assez simplement. Déjà, je voulais des comédiennes qui acceptaient de faire un voyage avec moi. De répéter, de donner au film le temps qu'il mérite. Ce n'est pas toujours le cas avec des comédiens connus et reconnus. Donc j'ai trouvé Lucie qui est une formidable comédienne, qui joue beaucoup au théâtre. Le film étant reporté plusieurs fois, nous en avons profité pour travailler. Pour Rachael, c'est un peu différent. On engage la directrice de casting de Ken Loach, elle nous fait une vingtaine de propositions. Mon premier choix, c'est Rachael. Je lui envoie le scénario et surprise, deux jours après, elle nous envoie un petit mot en disant qu'elle arrive. Elle a quelque chose de raffiné, de distingué qui marche très bien avec le personnage. C'est une vraie rencontre avec le personnage.
Avant le tournage, nous nous sommes enfermés tous les trois pour travailler. C'est assez exceptionnel. On répète rarement au cinéma, soi-disant pour protéger une certaine spontanéité. Moi, je ne crois pas à ça. C'est là que s'est fait le coeur du travail, de façon intime, très simple. Sur un plateau de cinéma, cela va tellement vite donc tout ce travail permet d'aller plus loin quand on tourne les scènes. Parce qu'on a déjà exploré le texte, les situations.
Vous disiez que le film a été reporté plusieurs fois, pourquoi ?
C'est un film belge coproduit avec le Luxembourg. On a cherché de l'argent en France que nous n'avons jamais trouvé. Nous sommes arrivés, pendant le financement, au moment où la France était très divisée à propos du mariage pour tous. Et peut-être en creux la question de la gestation pour autrui. Ce qui fait que nous n'avons pas eu de financement. C'est étonnant parce que "Melody" n'est pas un film militant, ni dans un sens, ni dans l'autre. De toute façon, la question de la GPA, elle existe donc il faut y réfléchir et la traiter.
Heureusement, une grosse région de France, la Bretagne en l'occurence, nous a soutenus. C'est donc une coproduction Belgique/Luxembourg/Bretagne.
Avez-vous déjà d'autres projets ?
Oui. Avant de me mettre à "Melody", j'ai écrit pendant deux ans. Un autre sujet flirtant avec le film de genre. C'est un peu plus un film noir. Ce sera une histoire de frères sur fond de matchs de foot truqués, très librement inspiré de l'affaire qui s'est passée dans un club wallon.
Je suis très, très fier de mes deux premiers films. Ce sont des films s'étant posé la question du spectateur. Maintenant, il faut peut-être que je me pose la question des spectateurs. Un film de genre, il y a une demande, une attente. Moi, j'aime beaucoup ça au sens où on peut avoir pas mal de liberté.Lire aussi l'entretien avec Lucie Debay
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