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Entretien: Antoine Cuypers - Préjudice
Par Michel Decoux-Derycke - Antoine Cuypers est une jeune réalisateur belge. Il débute, en 2009, avec le court métrage "Autonomie de la volonté". Suivront "Les Sauvages" (2010) et "A New Old Story" (2012). Il est également le scénariste de "Que la suite soit douce" de Alice de Vestele. Préjudice est donc son premier long métrage, celui-ci vient de faire l'ouverture du 30ème Festival International du Film Francophone de Namur.
C'est à Bruxelles que j'ai pu le rencontrer. Entretien avec un réalisateur plein d'avenir.Pourquoi ce film ?
L'envie de parler de la famille. C'est un sujet qui me passionne, l'identité d'une famille, les relations qui existent au sein de chaque famille. Il y a un côté microcosme de la société que je trouve intéressant à développer. A côté de ça, il y avait la question de la normalité, des sentiments d'exclusion dans un groupe ou simplement la question de tolérance.
Y a-t-il des choses personnelles qui se retrouvent dans Préjudice ?
C'est sûr que, de loin en loin, ce sont des sujets qui m'intéressent. Il y a des raisons à ça. Par contre, l'intérêt de faire un film et de transformer ça en oeuvre d'art, c'est justement de le mettre à distance, de raconter autrement les choses et de leur donner une autre symbolique.
Oui, il y a des choses personnelles dans le film. Parfois, c'est ce qui fait que c'est plus facile d'écrire.Votre casting est assez impressionnat, comment l'avez constitué ?
Déjà, j'ai eu envie de reprendre Arno avec lequel j'avais tourné dans "A New Old Story", mon court métrage. Comme il n'était pas contre, il y avait un rôle qui se présentait, une belle opportunité pour lui comme pour moi de se retrouver. Mais l'histoire du casting est plus longue que ça. Comme c'est un film choral, il fallait trouver la personne adéquate pour chaque rôle et voir si il y avait une cohérence avec les autres rôles.
Thomas Blanchard, c'est ma directrice de casting qui y a pensé, en lisant le scénario. Elle m'a dit qu'elle avait un type en tête: Thomas et il faut que tu le voies. J'ai accepté de le rencontrer, j'avais en tête un autre comédien qui avait déjà commencé à se préparer pour le rôle, c'était assez douloureux de s'en séparer. Thomas était une telle évidence. D'ailleurs, il a été au-delà de mes espérances, c'est une vraie découverte. Il a un jeu extrêmement fin, d'une grande subtilité.
Nathalie Baye, on a d'abord réfléchi à beaucoup d'autres actrices avant de s'arrêter sur elle. On a lui envoyé le scénario, par chance, elle a beaucoup aimé. C'est un rôle qui l'intéressait. Le scénario, dans son ensemble, l'a touchée. Elle a eu envie de faire le film et de le défendre. C'était un vrai bonheur.N 'était-ce un peu écrasant pour vous le premier jour du tournage ?
En fait, le scénario était très, très écrit. On a passé le temps qu'il fallait pour ça. Arrivé sur le plateau, je n'avais plus une virgule à déplacer. Donc les acteurs ont constaté cette connaissance que j'avais de mon film. Ils m'ont fait pas mal confiance, nous n'étions pas sur des terrains opposés. Ils ont assez vite partagé ma vision du projet.
Le fait d'avoir réalisé trois courts métrages auparavant ne vous a-t-il pas aidé ?
Je pense que oui. Je sais que d'autres réalisateurs, qui ont fait un court métrage ayant bien fonctionné, sont tout de suite passés au long. Et ce n'est pas forcément une mauvaise chose. L'équipe est très, très importante, on sous-estime souvent ça. Moi, l'importance que j'accorde au choix de mon équipe est crucial. C'est 70% de la réussite du film. D'abord, ce sont des gens qui vont chercher à exprimer ce que vous avez en tête donc il faut leur faire confiance et réciproquement. Deuxièmement, ce sont aussi les premiers spectateurs du film. Souvent, sur le plateau, je demande l'avis de l'équipe. Cela peut aller du régisseur au chef op ou même à un comédien. J'aime situer ce que je fais dans le regard de quelqu'un d'autre.
Vous avez tourné dans un seul lieu, on peut même dire que cette villa est un personnage à lui tout seul.
Effectivement. Le décor était important parce qu'il était très détaillé au scénario. Qui me permettait des options de narration sur lesquels je ne pouvais pas renoncer. Des déplacements d'une pièce à l'autre notamment. Dans ma tête, le décor était très précis. On n'a pas trouvé exactement ce que je voulais. Mais avec les chefs décos, qui ont fait un travail génial, on a pu réadapter, aménager. On a réussi à faire matcher, avec leur ingéniosité, la maison réelle avec la maison de mon récit. Après, toute la question était de lui donner une âme, à cette maison. Que ce soit un huis-clos sans étouffer le spectateur.
Pourquoi le titre Préjudice ?
J'avais entendu une phrase en droit: un préjudice grave difficilement réparable. Cela m'avait marqué, je m'étais dit que c'était une drôle d'expression. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Quelle implication cela peut avoir dans notre quotidien en dehors de l'aspect juridique ? Le film a donc d'abord été titré avec cette phrase. Puis on a enlevé la deuxième partie parce que c'était trop long. Donc Préjudice était le titre provisoire puis, de version en version, le titre s'est imposé. En anglais, il marche assez bien parce qu'il veut dire préjudice et préjugé. Ici, je le trouve intéressant parce qu'il renvoie le spectateur à sa grille de lecture. De déterminer dans cette famille qui est préjudicié et est préjudiciable.
Avez-vous déjà d'autres projets ?
Oui mais pour l'instant, il est un peu difficile de se focaliser dessus. A cause de la sortie du film et de tout ce que cela implique, notamment la promo. Ce que j'espère, c'est qu'il me faudra moins longtemps pour faire mon deuxième long métrage. Parce que les délais sont très longs.
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Tags : Antoine Cuypers, Préjudice, Bruxelles