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Entretien: Anne Fontaine - Gemma Bovery
Par Michel Decoux-Derycke - Anne Fontaine est une danseuse de formation. Elle débute au cinéma comme actrice en 1980, c'est dans "Tendres cousines". Elle apparaît dans des comédies, notamment "P.R.O.F.S". En 1986, elle passe ensuite à la mise en scène en collaborant sur l'adaptation d'une pièce avec Fabrice Luchini: "Voyage au bout de la nuit" de Louis-Ferdinand Céline.
Elle réalise ensuite son premier long-métrage "Les Histoires d'amour finissent mal... en général." Puis, ce sera un moyen-métrage, "Augustin", où elle met en scène son frère cadet Jean-Chrétien Sibertin-Blanc. Après, elle réalisera dix autres longs métrages dont "Nettoyage à sec", "Entre ses mains" ou encore "La fille de Monaco" avec Fabrice Luchini.
En 2013, elle adapte une nouvelle de Doris Lessing: "Les Grands-mères", sorti au cinéma sous le titre "Perfect Mothers".
C'est à Bruxelles que je l'ai rencontrée. Un entretien très intéressant avec une femme d'une élégance rare.Comment avez-vous eu l'idée du film ?
C'est en voyant un livre sur le bureau d'un producteur, Philippe Carcasonne pour ne pas le nommer. Le titre, "Gemma Bovery", m'intriguait. J'ai voulu en savoir plus. J'ai appris que c'était un roman graphique de Posy Simmonds dont on avait déjà adapté au cinéma: "Tamara Drewe". Je l'ai lu. J'ai eu un coup de foudre. J'ai aimé le ton, l'humour et surtout la comédie romanesque qui s'en dégageait. Justement, la production anglaise cherchait un réalisateur français. Cela tombait bien pour moi.
Après, il a fallu adapter. Il fallait redonner de l'air aux personnages. J'ai coécrit le scénario avec Pascal Bonitzer. Il était l'homme qu'il fallait. Avec son humour particulier, son intelligence et ses connaissances littéraires. Parce qu'il faut rappeller que "Gemma Bovery" est inspiré de "Madame Bovary" de Gustave Flaubert.Pourquoi Fabrice Luchini dans le rôle principal ?
Fabrice, je l'ai connu très jeune. Il connaît Flaubert par coeur et pas que cet auteur-là, d'ailleurs. Il a donc une légitimité. Au cinéma, c'est la deuxième fois que nous collaborons. La première, c'était sur "La fille de Monaco". Cela s'était bien passé. Pourquoi ne pas recommencer ? Et puis comme acteur, il est incomparable. Il sait jouer de tous les registres. Ici, il est touchant et sobre.
Et Gemma Aterton ?
C'était une telle évidence que je n'en ai pas voulu tout de suite. J'ai vu d'autres actrices. Aucune ne convenait. Je l'ai donc rappellée. Là, au moment où elle a ouvert la porte, j'ai eu un coup de foudre. C'était elle qui devait jouer Gemma. Je me suis aperçue qu'elle était, à la fois, drôle et intelligente.
D'ailleurs, vous la filmez avec amour ?
J'aime filmer les acteurs. Effectivement, c'est un acte amoureux. Gemma, j'ai eu envie de la rendre charnelle.
Pourquoi avoir pensé à Elsa Zylberstein dans le rôle de la «conne» ?
Le personnage n'est pas aussi con que vous le croyez. C'est une parvenue sympathique mais complètement absurde. Par exemple, quand elle veut décorer sa cheminée, elle veut un peu d'italien mélangé à du chinois. En fait, elle n'y connaît pas. Pour en revenir au choix d'Elsa, elle est suffisamment cinglée pour tenir ce genre de rôle. Elle n'a pas peur et a beaucoup de fantaisie.
Dans le film, les chiens sont importants puisque Martin et Gemma en ont un et cela leur permet de se rencontrer, comment les avez-vous choisi ?
J'ai fait un vrai casting. Pour Fabrice, il fallait un bâtard. Pour Gemma, un petit chien. Il faut dire que ceux que l'on a trouvé sont assez exceptionnels. Ce sont de vrais comédiens. D'ailleurs, à un moment du film, le chien aboie et Martin alias Fabrice lui dit: "Ta gueule", le chien avait compris tout de suite mon intention. Il m'avait même devancé.
Dans votre filmographie, je remarque que vous réalisiez tous les trois ans, puis tous les deux ans, actuellement tous les ans. Comment expliquez-vous cette accélération ?
Au départ, pour réaliser et écrire, je devais puiser en moi, chercher dans mes sujets personnels. Maintenant, on me fait des propositions. Cela me convient. Je ne dépends plus du sort d'un film puisque j'en ai déjà un autre sur le feu. C'est un sentiment de liberté. Comme ça aussi, je peux alterner drame et comédie. Ce n'est jamais la même chose.
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