• Entretien: Yves Ringer - Les Oiseaux de Passage

    Par Michel Decoux-Derycke - Yves Ringer est un scénariste et producteur belge. En 2006, il scénarise et produit son premier long métrage "Pom le Poulain". Le deuxième, "A Pas de Loup", est sélectionné en compétition Generation Kplus à la Berlinale 2011 et dans plus de quatre-vingt festivals dans le monde entier où le film récolte de nombreux prix. En 2012, "A Pas de Loup" est récompensé par l'ECFA Award du Meilleur Film Européen pour Enfants. Le troisième long métrage d'Yves Ringer, "Les Oiseaux de Passage", vient de sortir dans les salles.
    Je l'ai rencontré à Bruxelles. Entretien avec un producteur de films pour enfants mais intéressant les adultes, proposant une autre vision et une autre réflexion sur le monde. 

    D'où vient l'idée du film ?

    Notre précédent film, "A Pas de Loup", avait pour héroïne principale ma nièce. Dans sa classe, il y avait une fille, Margaux, ayant la myopathie. Elle n'avait pas de problèmes de mobilité au début puis la maladie s'est déclenchée. Plus les années passaient, plus elle a été confrontée à la perte de mobilité, à la perte du parler et ainsi de suite. Mais c'était l'enfant qui avait le rapport à la vie le plus enthousiaste. Qui avait conscience qu'elle allait mourir très jeune. Un regard sur la vie, sur ses amis, très chaleureux. Et quand on demandait à la fille de mon frère quelle était sa meilleure amie, elle répondait Margaux.
    Cela me semblait un bon point de départ pour parler du handicap sans faire un film sur le handicap. Après, il fallait trouver un élément déclencheur. Le caneton s'est imposé, caneton naissant devant cette fille handicapée et que l'animal prend pour sa maman. Le film parle donc de parentalité, de la responsabilité qu'on a en tant que parents.

    Etait-ce important que le film se déroule essentiellement dans la nature ?

    Il faut prendre le spectateur par la main et l'emmener avec nous dans une histoire. Là, ce sont des filles qui vont porter le caneton dans une réserve naturelle, pour le libérer, le sauver. C'est un périple où il n'y a pas de faits extraordinaires. Aux enfants, on ne propose que des films en images de synthèse, avec des effets spéciaux gigantesques comme des explosions, beaucoup de bruit. Comme adulte, nous pensons que les enfants ont besoin de ça pour suivre une histoire. Alors qu'on peut leur raconter quelque chose de très naturaliste, de très réel, sans grands événements. Quelque chose qui les interpelle, dans lequel ils peuvent s'identifier complètement. Les emmener dans l'histoire jusqu'au bout, histoire qu'ils pourront porter plus longtemps. C'est aussi un film qui les aide à appréhender le monde réel.

    Yves Ringer

    Vous avez choisi une vraie handicapée pour jouer Margaux, pourquoi ?

    Au moment du casting, nous avons fait des essais avec des filles pas handicapées qui jouaient le rôle d'une handicapée et des filles handicapées. Quand on a rencontré Léa, on a voulu absolument faire le film avec elle. D'abord parce qu'elle nous a touché, ensuite pour ses capacités et sa volonté. Ce qu'on raconte dans le film était important pour elle: le regard neutre sur le handicap, le fait qu'on voie une fille plutôt qu'une handicapée. Elle nous a dit aussi: "pourquoi prendre quelqu'un de valide pour jouer une handicapée ? Un handicapé va donner une vérité qu'un valide ne pourra pas donner". Donc le choix de Léa s'est imposé comme une évidence.

    Et le choix de l'autre héroïne: Cathy ?

    Il y a beaucoup de filles qui sont venues au casting, qui rêvent de jouer au cinéma. Nous avons procédé de la même manière avec toutes. Chacune a du faire une courte scène. Beaucoup ont simplement lu le texte, sans doute à cause du stress. Quelques-unes étaient bien. Et puis, deux filles étaient très supérieures dont Clarisse. Elle a pigé directement tout le sous-texte, toutes les intentions. Elle a joué la scène comme si elle était vraiment dedans. Nous avions l'impression d'avoir un «petit Robert De Niro» devant nous.

    Le reste du casting est intéressant notamment Marc Herman et Renaud Rutten.

    On a des comédiens fantastiques en Belgique. Comme toujours, on commence à s'intéresser à eux quand ils réussissent en France. Et il y a beaucoup de gens avec lesquels on a travaillé sur notre premier long métrage "Pom le Poulain". On avait envie de retravailler avec eux. Renaud Rutten, c'est un acteur extraordinaire. Marc Herman, il est connu de tout le monde, on ne voit en lui que le comique. Mais en peu de temps dans le film, il nous touche par son humanité. Il est content de venir, il n'y a jamais personne qui vient lui demander de faire du cinéma en Belgique à part nous. C'est quelqu'un qui a des capacités de comédie dramatique, qui amène des choses. 
    Avec "Les Oiseaux de Passage", on valorise notre patrimoine de campagnes, nos paysages. Je pense qu'on peut aussi valoriser notre patrimoine de comédiens. C'est que nous faisons, avec mon frère, sans faire des films lourds, pesants. Nous faisons des films émouvants, touchants avec de l'humour. En n'étant pas dans l'idée qu'on a souvent du cinéma belge .

    En quelques mots, définissez-nous votre film ?

    On est dans le cadre d'un film familial, d'un film pour enfants. Je pense qu'on arrive à émouvoir, à faire rire, à emmener les gens dans une belle aventure. Les enfants et les parents vont partager une expérience émotionnelle forte ensemble. Après, ils pourront en parler.

    Lire aussi la critique du film Les Oiseaux de Passage

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