• Entretien: Vania Leturcq - L'année prochaine

    Par Michel Decoux-Derycke - Vania Leturcq est une scénariste et réalisatrice belge. Après plusieurs courts métrages et documentaires, notamment "Eautre" en 2004 et "La maison" en 2011, elle s'est lancée dans l'aventure du long métrage avec "L'année prochaine".
    C'est, lors du FIFF à Namur, que je l'ai rencontrée. Entretien avec une jeune réalisatrice à l'avenir prometteur.

    D'où vient l'idée du film ?

    Je voulais parler d'une rupture d'amitié comme on parle d'une rupture amoureuse. Avec tout ce que ça a de douloureux. Une amitié à dix-huit ans, de fin d'adolescence. Un âge où on n'a pas vécu beaucoup d'histoires d'amour, par contre, on a eu des amitiés très, très fortes. Ce qui m'intéressait, c'est de parler de la séparation avec quelqu'un qui est souvent notre meilleure amie. C'est aussi la fin de l'adolescence, le début de l'âge adulte, le moment où on doit prendre des décisions très importantes pour sa vie alors qu'on n'a que dix-huit ans et de vagues intuitions. On ne sait pas forcément où on va. Dans le cas de deux personnages, elles vont devoir quitter le lieu où elles ont toujours vécu. Elles vont devoir se redéfinir en tant que personnes, découvrir autre chose.

    Vania Leturcq © David Ameye

    Au fil du film, la courbe des deux personnages s'inverse.

    Au départ, Aude ne savait pas ce qu'elle voulait, elle a dix-huit ans, elle aime dessiner et elle est heureuse de le faire. Elle n'est pas dans la réflexion, elle est dans la spontanéité. Tandis que Clotilde est très ambitieuse. Et elle décide pour son amie qui ne sait pas. Du coup, elle lui impose presqu'un rêve qui n'est pas le sien: devenir une grande artiste alors qu'elle était heureuse de juste dessiner dans sa chambre. Aude n'a pas demandé de se retrouver dans la fosse aux lions, elle va devoir se défendre. Je trouve terrible de demander à quelqu'un de dix-huit ans d'avoir un recul et une intellectualisation sur ce qu'il fait de façon spontanée.

    Comment s'est fait le casting, principalement pour le duo Clotilde-Aude ?

    J'ai fait le casting moi-même. J'ai vu beaucoup de films, j'ai vu beaucoup de comédiennes au théâtre. Constance qui joue le rôle de Clotilde, je l'ai remarquée dans deux films: "Tout est pardonné" de Mia Hansen-Love où elle avait seize ans et un moyen métrage, "Un monde sans femmes". Elle était très bien dans les deux films. A la base, une autre comédienne était pressentie pour jouer Aude mais finalement, elle n'a pas pu le faire. Jenna, je l'ai découverte dans "Les revenants", je l'ai trouvée formidable. Je voulais vraiment avoir un duo, je voulais que cela fonctionne à deux. On a fait des essais et c'était super. Il fallait qu'il y ait une alchimie entre les deux. Car elles allaient jouer des choses fortes.

    Et le reste du casting: Anne Coesens, Frédéric Pierrot, … ?

    Anne Coesens, j'étais très contente qu'elle dise oui. Je l'ai vue dans tellement de films, je suis d'une admiration totale pour elle. Quand elle est venue, j'ai eu l'impression que c'était Noël. Frédéric Pierrot, je le voulais depuis le début, j'avais vraiment ce comédien en tête. Il m'a dit non, je l'ai rappellé, j'ai insisté, il m'a dit oui peut-être. Puis non. J'ai cherché un autre comédien, je ne trouvais pas. C'est très peu de temps avant le film que je l'ai appellé à nouveau. Et là, il a répondu qu'il y a quelque chose dans le film qui l'intéressait, qu'il lui restait en tête. Ouf pour moi ! Kevin Azaïs, quand je l'ai rencontré, il allait faire "Les Combattants", il était un peu stressé à l'idée de jouer son premier grand rôle. Il est venu sur le tournage juste après celui de Thomas Cailley. Julien Boisselier, il était très tôt sur le projet. C'est un comédien que j'ai toujours admiré et que je voyais complètement pour le rôle.
    Cela m'a fait du bien d'avoir des comédiens investis sur le projet surtout qu'on a fait le film dans des conditions financières difficiles. A savoir qu'on avait très peu d'argent. Tous les comédiens, tous les techniciens ont travaillé au minimum du minimum syndical.

    La musique a une place importante dans le film.

    Tout la musique a été composée pour le film excepté deux morceaux qui sont dans les scènes de fête. On voulait, avec le compositeur, que ça ne sonne pas comme une musique de film. Je ne suis pas très à l'aise avec les grandes envolées de violon. Je voulais que les morceaux soient ce que Clotilde et Aude ont dans leur iPod. Il ne fallait pas sentir arriver la musique, qu'elle soit vraiment intégrée.

    Pourquoi avoir placé l'action en France ?

    Je trouve que Paris est une ville beaucoup plus emblématique que Bruxelles. Comme elles quittent un petit village pour la capitale, en Belgique, quand on quitte un village, on est toujours à une heure de route de chez soi. Quand on va à Bruxelles, on a une heure de train pour rentrer à la maison. Il n'y a pas cet éloignement, ce déracinement aussi fort. Bruxelles n'est pas une ville aussi prestigieuse que Paris. On va à Paris pour réussir. C'est aussi une ville qui peut être très violente pour qui ne s'y retrouve pas, n'y réussit pas.

    Lire aussi l'entretien avec Constance Rousseau
    Lire aussi la critique de L'année prochaine

    « Entretien: Christophe Mavroudis - VoisinsEntretien: Constance Rousseau - L'année prochaine »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , , , , ,