• Entretien: Stéphanie Di Giusto - La Danseuse

    Par Michel Decoux-Derycke - Stéphanie Di Giusto est une scénariste et une réalisatrice française. Après avoir étudié à l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs et à l'ESAG de Paris, elle a réalisé des clips vidéos pour Elsa Lunghini, Camille ou encore Brigitte Fontaine.
    Son tout premier film de fiction, "La Danseuse", a été sélectionné dans la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes.

    Pourquoi ce film ?

    Au départ, c'est un hasard. J'ouvre un livre d'art et je vois une photo en noir et blanc, une magnifique photo où on voit un voile en lévitation dans un jardin au-dessus du sol. Il y a une femme à travers ce voile. Je suis curieuse, c'est tellement beau, j'ai envie d'en savoir plus et j'ai découvert un destin de femme, une vie de femme extraordinaire que personne ne connaissait. Tout de suite, j'ai eu ce sentiment de me dire: "comment on a pu laisser cette femme dans l'ombre ?" Il fallait que je réhabilité l'art de cette femme à tout prix.
    En fait, ce qui m'intéressait, c'est qu'elle n'avait rien pour réussir. Elle n'est pas née dans le bon corps, pourtant, elle rêvait d'être danseuse. Mais à force d'obstination et de volonté, elle a réussi et a été jusqu'à l'Opéra de Paris. C'est toute cette force romanesque du personnage Loïe Fuller qui m'a plu.

    Y avait-il des biographies, des documents sur Loïe Fuller ?

    Oui. Je me suis donc engagée dans un travail d'historienne, de documentaliste. Surtout, c'est passionnant. Tout d'un coup, vous ouvrez un monde puis un autre monde. Elle est née dans l'Ouest américain en 1890 c'est quoi l'Ouest américain à cette époque-là ? J'estimais que si je m'intéressais à l'époque, il fallait que je la maîtrise. Cela m'a pris un an.
    Après, j'ai fait un vrai travail d'épure. Je n'avais pas envie de faire un biopic. Je voulais vraiment essayer d'aller dans l'énergie de cette femme, dans son souffle. Donc ça passe par la mise en scène, l'écriture.

    La mise en scène est esthétique, non ?

    Je ne suis pas sûr que ce soit très esthétique. Ce n'est pas un film esthétisant. Ce n'est pas le beau pour le beau. C'est donner à ressentir cette poésie qu'elle a initié. Surtout le côté punk et avant-gardiste. Ce n'est pas pour rien que j'ai pris Soko pour l'incarner.

    Stéphanie Di Giusto

     Justement, parlons de Soko, dites-moi un peu plus ?

    C'est quelqu'un d'unique. Elle est loin de ces standards que l'on voit partout dans les magazines. Je trouve qu'elle a une féminité qui n'appartient qu'à elle. J'aime cette féminité. Parce qu'elle est sensuelle, Soko. Je vois qu'elle est mal à l'aise dans son corps et elle ne le cache pas. Elle est vraie. Je savais qu'elle allait aller jusqu'au bout de son personnage. Elle n'est pas doublée, elle a travaillé pendant deux mois huit heures par jour. Elle est comme les Américains, cela fait partie du travail d'acteur. Elle s'est investie à fond. Je n'ai pas été déçue par Soko.

    Lily-Rose Depp ?

    La liste des comédiennes américaines de seize ans est très courte. C'est Denis Ménochet qui m'a parlé de Lily-Rose, je me suis interrogée sur l'idée qu'elle était actrice. J'en ai parlé à Soko qui habite Los Angeles, elle m'a répondu que c'était une copine. On a fait des essais de scène et de danse et tout de suite, cela a fonctionné entre elles.
    Aussi, elle a une certaine maturité, elle m'a parlé du scénario, elle s'est posée les bonnes questions. Elle est très pro et ce qui est fou, c'est cette volonté d'être actrice.

    Les comédiens n'ont-ils pas eu peur de vous, vous débarquez sans avoir fait un seul court métrage ?

    Bien sûr qu'ils ont eu peur, ils me l'ont bien fait sentir. La clé, c'est de n'avoir aucun doute et de ne donner aucun doute. Les acteurs sont comme des animaux, ils vous flairent, ils essayent de voir comment vous réagissez. J'ai su m'imposer.

    Et le financement ? 

    Compliqué. D'abord trois ans d'écriture et puis, je rencontre Alain Attal qui a mis du temps à financer le film, un peu plus de deux ans. Certains financiers ont carrément dit qu'ils n'en avaient rien à foutre de la danse.  Mon producteur ne m'a pas lâché, il a eu aussi le courage de partir sous-financé. Et nous sommes toujours trop court, on espère donc que "La Danseuse" va marcher.

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