Entretien: Philippe Lioret - Toutes nos envies

Par Michel Decoux-Derycke - Sorti cette semaine dans les salles belges, "Toutes nos envies" est la septième réalisation de Philippe Lioret avec, à l'affiche, Vincent Lindon, Marie Gillain, Amandine Dewasmes ou encore Yannick Rénier. Le film nous raconte l'histoire de Claire, jeune juge d'instance confrontée aux personnes en situation de surendettement. Elle rencontre Stéphane, son aîné désabusé et ensemble, ils cherchent la faille juridique contre les organismes de crédit.
"Toutes nos envies" était l'un des films présents au dernier FIFF de Namur. C'est là que j'ai pu rencontrer Philippe Lioret pour lui poser quelques questions.

Comment vous est venue l'idée de "Toutes nos envies" ?

En lisant le livre d'Emmanuel Carrère, "D'autres vies que la mienne". Ce livre m'a profondément touché mais il n'y avait pas de film dedans. Nous en avions convenu avec Emmanuel. Je l'ai lu comme un grand moment de lecteur qui m'a retourné. Cela m'a fait changer mon point de vue sur certaines choses de la vie.
Je suis parti faire la promo de "Welcome" par monts et par vaux. Mais le livre restait en moi alors j'ai rappellé Emmanuel. Je lui ai dit que j'allais me servir de son livre, que j'allais tout changer, que j'allais me l'approprier. Je ne l'ai jamais rouvert et j'ai écrit un scénario pendant un an.

N'est-ce pas bizarre de lire un livre, d'en acheter les droits et puis de tout changer ?

La littérature, ce n'est pas fait pour faire du cinéma. Quand on lit un bon livre, on ne fera jamais un meilleur film que celui que l'on se fait dans sa tête. Le livre d'Emmanuel Carrère est excellent mais cela manquait de dramaturgie par rapport à un film. Il fallait tout reprendre. On peut dire que je me suis inspiré des thèmes du livre.

Le rôle du juge, atteinte d'une tumeur, est joué par Marie Gillain, comment avez-vous imaginé ce personnage ?

Je l'ai imaginé, c'est tout. C'est difficile de répondre à votre question. L'urgence de la vie est là. C'est-à-dire que nous ne faisons que passer. Et elle, elle apprend qu'elle est atteinte d'un mal et qu'elle n'en a plus pour longtemps. Tout va se précipiter. C'est une vision de ce qui nous reste à vivre, de ce que l'on fait de nos vies. C'est l'histoire de gens qui font quelque chose pour les autres, le film raconte ça.
C'est aussi le portrait d'une jeune femme et la rencontre avec un homme (NDLA: joué par Vincent Lindon). Cela va changer sa façon de voir les choses. La radicalité d'une rencontre et les sentiments que cela lui inspire entre l'amitié et l'amour.

Pourquoi avoir choisi Marie Gillain et Vincent Lindon ?

Vincent parce que nous avions fait "Welcome" ensemble. C'était une aventure formidable, nous nous sommes très bien entendu et c'est devenu un ami. Tous les deux, nous avions envie de collaborer à nouveau. Il y a aussi le fait que le rôle de Stéphane était taillé pour lui.
Quant à Marie, c'était plus difficile. Il y a peu de vrais rôles écrits pour les femmes et ici, c'en est un. C'était un vrai rôle féminin majeur. Je m'en suis rendu compte au fait que toutes les comédiennes faisaient la queue pour faire le film. Je n'ai pas voulu céder aux sirènes de la notoriété. J'ai commencé un très long casting. Pas pour savoir si une comédienne était meilleure qu'une autre mais pour voir si elle était le personnage. Marie s'est vite imposé par son mélange de détermination, de féminité et d'enfance.