• Entretien: Patrice Gilly - Le cinéma, une douce thérapie

    Par Michel Decoux-Derycke - Patrice Gilly est critique cinéma. Il a été journaliste en presse audiovisuelle (RTBF), écrite (L'Echo de la Bourse) et sur Internet (leligueur.be). Il a également été libraire et a animé des ateliers d'écriture en développement personnel. Il a déjà publié un livre: "Zap l'écran, vive la vie !", c'était en 2008.
    Je l'ai rencontré à Bruxelles pour parler de son dernier ouvrage: "Le cinéma, une douce thérapie". Entretien avec un homme pour qui le cinéma rejoint la vie.

    Patrice Gilly - Le cinéma, une douce thérapie

     

    Pourquoi ce livre ?

    C'est une grande question. L'idée m'est venue après être allé chez un thérapeute avec lequel je fais une thérapie didactique. Puisque je suis une formation de thérapeute. Le cinéma était souvent invité dans nos séances. Je me suis dit qu'il y avait là toute une matière de base avec le cinéma qui met en mouvement, qui agite, à la fois, l'esprit, les émotions, les sensations. Comme c'est un compagnon depuis ma plus tendre enfance, j'ai pensé à un livre qui raconterait ce que le cinéma m'a fait et ce qu'il peut apporter au spectateur, conscient ou inconscient.

     Quel est le premier film que vous avez vu ?

    Je l'ai vu à l'âge de six ans. C'est "The Young Savages" avec Burt Lancaster où il joue un procureur venant de Little Italy à New-York. Il s'est élevé dans la hiérarchie sociale et il va prendre la défense d'un jeune délinquant, accusé d'avoir commis un meurtre avec deux copains de sa bande. Ils avaient chacun un couteau. Le procureur qui instruit le dossier à charge sait que ce garçon de quinze ans n'a pas frappé pour tuer puisqu'il a frappé avec l'envers de son couteau. Il va faire craquer cet adolescent en pleine audience et lui faire admettre, rompant ainsi son pacte de loyauté avec la bande, qu'il n'a pas voulu tuer. Donc le gars craque, pleure et le procureur le prend dans les bras.
    Il y a des films comme ça dont je me souviens de scènes, d'images, de lieux. Je vois que chacun, quand il a des films préférés, a des souvenirs marquants qui restent en mémoire.

    C'est un choix étonnant, ce premier film ?

    C'est vrai que mon père, et ma mère suivait, avait tendance à me faire voir des films qui n'étaient vraiment pas de mon âge. Cela a toujours été comme ça. C'est peut-être pour ça qu'il y a des scènes qui m'ont marqué beaucoup plus fort. Parce que c'était violent et que j'étais tout petit. Les souvenirs s'imprègnent plus quand on est petit.

    Patrice Gilly

    Votre père vous a donc transmis la passion du cinéma ?

    C'était un grand cinéphile. Il a m'a transmis la joie d'un rituel qu'on avait tous les vendredi, à l'époque, les films sortaient ce jour-là Quand j'avais sept, huit ans, il rentrait du boulot et, comme nous avions été aux Etats-Unis pendant un an, il disait toujours: "are we going to the movie ?" Tous les vendredi, nous allions au cinéma, ce jusqu'à l'âge de onze ans.

    Le livre commence par votre histoire personnelle.

    J'ai voulu, en quelque sorte, payer de ma personne. En racontant un peu ma biographie filmique, ma ciné-biographie. Pour montrer ce que le cinéma m'a apporté à des moments difficiles de ma vie. Il m'a consolé, éclairé, soutenu et apporté de la joie aussi. "Les Demoiselles de Rochefort", je l'ai vu quand mes parents se séparaient et cela m'a fait un bien fou. Pourtant, je n'aimais pas les comédies musicales. J'ai été attiré, en écoutant la radio, par le refrain des soeurs jumelles. Quand on lit bien le film, on se rend compte qu'il y a des tas d'histoires tristes qui se passent mais il y a de la joie, de la musique, de la danse. On passe de la joie à la tristesse, de la tristesse à la joie, c'est un va-et-vient permanent.

    Quels sont les films qui vous ont marqué ?

    Il y a des films où je me suis projeté, identifié dans un personnage d'homme fort, de père toujours là, toujours soutenant. Il y aussi des films que j'aurais voulu que ma mère voie, des films avec des femmes fortes comme "Norma Rae", "Julia" ou "Alice ne vit plus ici". Ce sont des films liés à mon adolescence.
    Plus récemment, ce sont des films où le personnage évolue, sort d'une attitude figée, d'une posture. Par exemple, "Song for Marion". Grand film aussi pour moi: "A la recherche de Forrester" avec Matt Damon et Sean Connery. Où Sean Connery est un écrivain misanthrope, qui vit reclus après le succès d'un grand premier livre. Après, il n'a plus voulu en écrire aucun et il va se lier d'amitié avec un jeune de quinze ans qui joue au basket, comme moi. Il y a une sorte de transmission parce que le jeune écrit et le vieil écrivain va lui donner les rudiments de l'écriture.

    Si vous ne deviez retenir que trois films ?

    "Il était une fois en Amérique". "Julia" de Fred Zinneman avec Jane Fonda et Vanessa Redgrave, un magnifique film sur l'amitié et l'engagement politique. "La grande séduction", un film québecois,  film où les habitants d'une petite île au large du Saint-Laurent veulent séduire un médecin. Il m'a bien fait rire.

    Dans votre livre, vous passez en revue une série de films, pourquoi ?

    Le livre, c'est un récit autobiographique, ce sont les affinités entre le cinéma et la psychanalyse, différents courants thérapeutiques et vingt-sept films toniques, inspirants, dynamiques. Qui amènent toujours du changement, du mouvement dans l'histoire. Je les raconte sous un angle particulier. Non pas pour déflorer le film mais pour donner envie aux gens.

    Le titre: "Le cinéma, une douce thérapie" ?

    Il m'est venu très vite. Il a changé, au départ, c'était le cinéma, une thérapie douce. C'était thérapie qui me semblait très présent et je me suis dit que j'allais inverser. Alors j'ai demandé autour de moi et tout le monde préférait une douce thérapie. Parce que c'est un moyen doux d'entrer en contact avec soi-même, de se relier au monde parce que vous voyez quelque chose qui vous est extérieur et qui vous fait réagir, qui vous plonge en vous-même. Le cinéma peut actionner les deux niveaux.

    Le cinéma, une douce thérapie, Chronique Sociale, ISBN: 978-2-36717-110-4
    Le blog de Patrice Gilly: http://cinemoitheque.eklablog.com

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