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Entretien: Olivier Jourdain - Sacred Water
Par Michel Decoux-Derycke - Après avoir étudié à l'IHECS ainsi qu'à Londres, Olivier Jourdain a travaillé à la RTBF. Par après, il a fait quelques films instiututionnels pour des ONG. "Sacred Water" est son premier documentaire en tant que réalisateur, il est aussi monteur et cameramen.
C'est à Ixelles, autour d'un excellent café, que je l'ai rencontré. Entretien passionnant avec un passionné.D’où vient l’idée du documentaire ?
C’est un long processus. En 2009, j’ai découvert le sujet au Rwanda, pour la première fois. J’ai découvert un pays où il y avait une sorte de culture de la sexualité. C’était assez prude, transmis assez secrètement. Un ami m’a raconté le sujet d’une manière poétique avec un conte : il était une fois une reine qui s’ennuyait toute seule, le roi était parti à la guerre … et j’ai trouvé ça magnifique comme introduction. Je me suis renseigné, je me suis rendu compte que tout le monde connaissait ces histoires, ces contes par rapport à ces pratiques sexuelles. Je me suis dit, tiens, ce n’est pas juste une blague, une sorte de niche pornographique. Cela a l’air d’être ancré dans la culture.J’ai commencé à lire des bouquins, j’ai rencontré un anthropologue qui avait fait un livre. D’autres femmes anthropologues qui ont beaucoup écrit sur le sujet. Qui ont été plusieurs années dans les villages, qui ont récolté des histoires. J’ai découvert l’importance de cette eau et cela régit vraiment les codes chez les femmes, les filles, chez les garçons. Dans les mariages, les cadeaux qu’on offre sont liés à ça. Les filles reçoivent une natte pour absorber les eaux.Le film est positif.
Je ne voulais pas faire quelque chose de médical, avec le côté scientifique blanc. Il fallait faire quelque chose de léger. Je voulais donc faire un film positif sur le Rwanda. Il y a une grande richesse culturelle, des gens qui vont de l’avant. Les gens ne sont pas que politique, ils ont leur vie à eux. Je voulais faire quelque chose qui rassemble tout le monde : les Hutus, les Tutsis, les Pygmées.
Cela se fait par le biais d’une animatrice radio, pourquoi ?
Je suis allé en 2013 pendant trois mois, en fait trois fois trois mois pour prendre le temps. Etre là, écouter les gens. Dans mes premières recherches, les gens m’ont indiqué qu’il y avait Vestine qui faisait une émission sur la sexualité et sur le couple, ça passait à minuit. Elle était très réputée. Maintenant, ça passe à 21h, c’est l’émission la plus écoutée du Rwanda. L'envie d'avoir Vestine comme fil rouge était logique.
Comment a été accueilli le film ?
Très bien au Rwanda. Les Rwandais sont très ouverts sur le sujet mais quand même conservateurs. Ils veulent tous voir le film, toutefois, personne n’ose organiser une soirée, un vieux fond de catholicisme peut-être.
Le film explose un peu partout. Je suis plus qu’heureux. Là, au moment où nous nous parlons, il y a un festival au Canada qui le prend, aux Etats-Unis. L’Amérique latine qui s’ouvre. On va aller en Afrique. Je suis allé à Helsinki, Biarritz, Prague, … Chaque semaine, j’ai des nouvelles demandes. L’accueil est intéressant parce que ce sont des pays très, très différents. Finalement, ça parle à beaucoup de gens. C’est assez universel comme sujet.
Le financement ?
J’ai eu des difficultés, on me disait tu fais un film sur l’excision, les viols, là il y a de l’argent. Si j’ai envie de parler d’un truc un peu plus positif, je me faisais directement politiser, est-ce que j’allais parler de Hutus, de Tutsis. Je me faisais directement attaquer. De ce point de vue-là, les Européens, nous ne sommes pas très ouverts.
Quels sont vos projets ?
Déjà je ne vais pas faire des films pour faire des films. J’ai une idée au Rwanda sur un imitateur de Jacques Brel, j’aime bien l’idée qu’il chante le Plat Pays au Pays des Mille Collines. Ce sera un film sur l’identité.
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Tags : Olivier Jourdain, Sacred Water, L'eau sacrée, IHECS, Rwanda, Hutus, Tutsis, Pygmées