• Entretien: Nathalie Teirlinck - Le Passé devant Nous

    Par Michel Decoux-Derycke - Avec "Le Passé devant Nous", Nathalie Teirlinck réalise son premier long métrage. Diplômée du KASK, l'école des Beaux-arts et de cinéma de Gand, où elle enseign. Ses deux premiers courts métrages, "Anémone"  en 2006 et "Juliette" en 2007, ont été sélectionnés dans de nombreux festivals européens. En 2010, "Venus vs. Me" a été programmé dans plus de quatre-vingt festivals et notamment à la Berlinale.
    C'est lors du dernier FIFF à Namur que je l'ai rencontrée. Rencontre intéressante et instructive quant au pourquoi du film.

    D'où vient l'idée de votre film  ?

    L’urgence, la curiosité. Il y a également certains thèmes de mes courts. Ce qui me fascine, c’est l’aspect d’identité flexible. Le fait qu’on est supposé se comporter selon les codes de conduite. D’adopter des rôles différents dans la vie selon les attentes dans notre société. La plus grande évidence, c’est l’amour inconditionnel d’une mère pour son fils. C’est avec cette curiosité là que tout a commencé.

    Nathalie Teirlinck © David Ameye

    Pourquoi choisir une escort girl comme rôle principal ?

    C’est venu après. C’est une métaphore pour son état d’âme, son anesthésie émotionnelle. C’est un espace où elle peut expérimenter avec les émotions qu’elle n’est pas capable de vivre pendant sa vie réelle. C’est un peu basé sur une rencontre avec une jeune escort, qui m’a vraiment bouleversé. Elle me renvoyait à mes préjugés. Je suis cinéaste donc je n’ai pas le droit d’avoir des préjugés. J’étais un peu gênée, je voulais la victimiser un peu. Mais c’était une jeune femme, étudiante en psychologie, super intelligente, qui avait fait un choix très conscient. Au début, elle était motivée par l’argent. Après, elle m’a parlé de l’addiction du sentiment d’être indispensable, le sentiment d’être en contrôle.

    Votre choix de Evelyne Brochu, une québecoise ?

    Elle est connue au Canada, elle a un grand fan-club en Belgique. Dès le début, je savais que le film était porté par Alice (NDLA : le rôle principal). Moi, je n’écris jamais sur les acteurs, je suis porté par les énergies. Dans ma tête, je me dis que je veux la froideur de Charlotte Gainsbourg, la chaleur de Michelle Williams, par exemple. Et après, je vais à la recherche d’acteurs.
    Evelyne, elle a une complexité en elle, elle a une chaleur en elle avec, en même temps, un côté obscur, mélancolique. Je l’avais vue dans le film de Cronenberg, "The Nest". Elle m’a vraiment bouleversée.

    Aussi pourquoi faire le film en français ?

    A cause d’Evelyne. C’était plus difficile évidemment pour moi, qui ne parle pas le français parfaitement mais je suis née à Bruxelles donc ça aide un peu. Et entourée par des francophones pendant deux semaines, je parle.

    Nathalie Teirlinck © David Ameye

    Comment avez-vous fait pour le gamin ?

    Cela a été super dur. Je l’ai trouvé par hasard au moment où je n’y croyais plus. J’ai vu tout le monde à Paris, à Bruxelles. Je crois que j’ai vu à peu près deux cents enfants. Ce n’était pas évident à cause de l’âge, cinq ou six ans. Souvent, à cet âge-là, c’est difficile de voir la ligne entre fiction et réalité. Soit ils jouent un peu de théâtre, soit ils ne sont pas capables de se laisser aller dans un univers d’imagination qui n’est pas à eux.
    Un moment, il y avait le petit Zuri à Paris. Il ne correspondait pas du tout au rôle. Mais dans son jeu, il y avait une sorte de fragilité, une intelligence énorme, il ne parlait pas beaucoup.

    Y a-t-il des scènes improvisées ?

    On a décidé de travailler sans répétitions. Mais la base, c’était toujours les scènes. Les répétitions, je trouve ça très bizarre de reconstruire quelque chose créé avant. A chaque prise, on a fait la scène de A à Z, cette prise était nourrie par la réalité, par le jeu des acteurs.

    Bruxelles est filmé de belle manière, comment avez-vous fait ?

    Je voulais filmer la beauté de Bruxelles, la grandeur. Bruxelles est une ville contrastée, entre la beauté et l’obscurité. C’est très laid et très beau en même temps. Il y donc tous ces contrastes dans le film.

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