• Entretien: Michel Leclerc - La Vie très privée de Monsieur Sim

    Par Michel Decoux-Derycke - Michel Leclerc est un scénariste et réalisateur français. Après sept courts métrages entre 1991 et 2002, il réalise son premier long: "J'invente rien", en 2006. C'est "Le nom des gens", en 2010, qui le fera véritablement connaître. Suivra deux ans plus tard "Télé gaucho". 
    Je l'ai rencontré à Bruxelles pour parler de son dernier film: "La Vie très privée de Monsieur Sim".

    Pourquoi avoir adapté le roman de Jonathan Coe ?

    Je n'avais pas du tout prémédité de faire cette adaptation. J'étais en train d'écrire un scénario quand j'ai lu le roman de Jonathan Coe. Il m'a complètement tourneboulé. Dans un premier temps, c'est ma compagne Baya Kasmi qui m'a dit qu'il y avait plein de points d'accroches avec mon univers. Et en même temps, elle a ajouté que cela me ferait partir ailleurs. L'épopée de cet homme qui ne s'aime pas m'a bouleversé. Il essaye, par tous les moyens, de remonter la pente et la pente est très raide. Le ton m'a aussi beaucoup plu dans le roman, il y a beaucoup d'humour. C'est un road-movie minuscule, minuscule parce qu'il n'y a pas beaucoup de road. Monsieur Sim a tendance à tourner en rond. Il essaye de sortir du cercle qu'on lui a tracé, il prend des chemins de traverses pour prendre sa petite part de liberté.

    Michel Leclerc

    On retrouve votre univers avec du sérieux sans être sérieux.

    Moi, je suis très sensible à la comédie. Ici, ce n'est pas un chemin vers le drame ou la tragédie. C'est vrai que c'est un film qui parle d'un certain désespoir contemporain. Parce que le personnage est très désespéré, se sent très seul. Il arrive aux lisières de sa raison mentale et aux lisières de la mort. Evidemment, ce sont des thèmes très, très graves. Son manque de lucidité provoque des situations de comédie. Sa manière qu'il a de ne pas voir qu'il emmerde les autres. Par exemple, il a ce côté un peu raseur, on a tous connu des raseurs.
    Il y des choses qui me touchent beaucoup, comme le rapport aux objets. Il vend des brosses à dents, il est persuadé que c'est un objet révolutionnaire alors que, pour tout le monde, c'est un objet très trivial. Mais lui met tous ses espoirs dans ce petit objet.

    Avez-vous pensé à Jean-Pierre Bacri tout de suite ?

    J'ai lu le roman, comme tout le monde, en essayant de ne pas incarner tout de suite. Dans un deuxième temps, après avoir écrit le scénario, j'ai pensé tout de suite à Jean-Pierre Bacri. Je n'imaginais pas vraiment qu'il puisse accepter. Je savais qu'il refuse beaucoup de projets, en dehors des films d'Agnès Jaoui. Cela a été une surprise qu'il accepte. Franchement, j'ai été très surpris de son accord.
    J'aime son univers. Avec Agnès, ils font des comédies très ciselées, décrivant un univers social, décrivant souvent des rapports de classes. Enormément de thèmes qu'ils affectionnent et qui me touchent. Ils font des comédies jamais cyniques, au-dessus des personnages mais à leurs niveaux. Quand on rigole, on peut se moquer sans être méchant.

    Pourquoi Mathieu Amalric ?

    C'est un film avec un personnage principal quasiment de tous les plans, de toutes les scènes. Donc les autres personnages sont des rôles secondaires et il faut absolument que, dans le petit espace qu'ils ont, ils puissent exister et qu'ils aient une intensité. Le personnage que joue Amalric, même si on ne le voit pas beaucoup, est très important. Puisqu'il a des résonances jusqu'à la toute fin du film. Pourquoi Amalric ? Quand vous prenez quelqu'un comme lui, il a du poids dans tous les sens du terme. Il est intense, quand il vous dit n'importe quoi, vous l'écoutez parce qu'il a une voix particulière, il a un très grand pouvoir de séduction. C'est lui qui va raconter cette histoire de navigateur anglais qui tend tout le récit. C'est très important d'avoir des comédiens qui puissent exister fortement face à Jean-Pierre, quand ils n'ont que quelques scènes. Comme Valeria Golino, Vimala Pons. Il faut vraiment penser le casting dans ces termes-là. Pour que chaque personnage puisse garder une trace, une résonance dans l'histoire.

    Que diriez-vous aux lecteurs pour qu'ils aillent voir le film ?

    Plusieurs personnes m'ont dit, après des projections, qu'on ne pouvait pas deviner ce qui allait se passer. Et comme le personnage essaie d'échapper à la route toute tracée, j'espère que c'est un film qui essaie d'échapper à toute route tracée. Et qui fait qu'on ne peut pas s'attendre à ce qui va se passer. Moi, je pense que ce doit être la règle quand on regarde un film.

    Lire aussi la critique de La Vie très privée de Monsieur Sim

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