• Entretien: Mia Gimp et Clark Matthews - Krutch - TEFF 2015

    Par Michel Decoux-Derycke - Mia Gimp est américaine, elle est, à la fois, l'actrice, la coscénariste et la productrice du court métrage "Krutch". Celui-ci est réalisé et coécrit par Clark Matthews, également américain, c'est son premier film.
    Je les ai rencontré tous les deux au TEFF, à Namur. Merci à Eva pour la traduction. 

    D'où vient l'idée du film ?

    Clark Matthews: C'est Mia qui a eu l'idée, cela faisait quatre ans qu'elle voulait faire un film comme ça.

    Mia Gimp: J'avais envie de montrer que les handicapés ont les mêmes envies que les valides. Qu'ils ont besoin de sexualité. C'est pour cela que je voulais faire ce film. Il me fallait quelqu'un en qui j'ai confiance pour le tourner. Cela a été Clark.

    Mia Gimp et Clark Matthews © David Ameye

    Cela a dû être une expérience assez spéciale ?

    Mia Gimp: Ce que je voulais, c'est que d'autres personnes handicapées fassent des films sur la sexualité des handicapés, prennent ma suite et c'est le cas. Normalement, dans les documentaires, la caméra s'arrête sur le membre handicapé ou la partie handicapée. Ici, ce n'est pas le cas. On montre le corps en entier. Je voulais aussi prouver qu'un documentaire sur les handicapés pouvait être sexy.
    Il y a aussi qu'après le film, j'ai commencé à acheter de la lingerie pour moi. Je ne savais pas que je pouvais acheter de la lingerie. Cela m'a ouvert de nouvelles portes.

    Comment avez-vous tourné dans la rue ?

    Clark Matthews: Vous l'avez remarqué, je suis en chaise roulante. Donc, avec l'aide d'un copain qui m'a poussé ou tiré, j'étais capable d'être mon propre machiniste. J'avais une petite caméra pour filmer. Une des particularités du film était aussi d'observer le regard des gens dans la rue. Ce qui était marrant, c'est que les gens ne regardaient pas Mia mais moi avec ma caméra, roulant en arrière.

    Mia Gimp: Il y a une scène où je tombe et on a dû la refaire six fois, de manière à retrouver des gens qui m'aident de la manière correspondante au scénario. Cette fois-là, on s'est dit qu'on aurait du prendre quelqu'un exprès pour cette scène.

    Quelles ont été les réactions dans les autres festivals ?

    Clark Matthews: En général, très chaleureuses. On a montré ce film un peu partout de l'Inde à l'Australie. Dans des festivals sur le handicap. Dans des festivals pornos. Là, il y a de très chouettes fêtes après les projections (rires).
    Le film est compréhensible pour tout le monde, il n'y a que des images, sans dialogues. C'est du cinéma haïku.

    Mia Gimp: C'était très important que le film soit accessible. On a donc engagé quelqu'un pour mettre de l'audiodescription et des sous-titres.

    Clark Matthews: On a été reçu dans beaucoup de festivals. Dans des festivals pour handicapés où il n'y avait pas d'accessibilité pour les handicapés. On a pensé à les boycotter en leur disant qu'on ne montrerait pas notre film tant que le festival n'était pas accessible. On a renoncé. Parce qu'à ce moment-là n'auraient pu voir le film et le but, c'est quand même de le montrer au plus grand nombre.

    Avez-vous eu des propositions du cinéma porno ?

    Mia Gimp: Oui, de deux producteurs. J'ai refusé. Parce que je commence à être harcelée dans la rue. Parce que, pour le moment, je n'ai pas envie qu'on voie mon corps nu. Maintenant, il y a d'autres handicapés qui font du porno. Une part de cela vient du fait qu'ils ont vu "Krutch". C'est ce que je voulais.

    Clark Matthews: Moi, rien. On ne s'intéresse pas à un réalisateur pour le porno. Ils sont interchangeables.

    Lire aussi la critique du court métrage Krutch

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