-
Entretien: Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis - Party Girl
Et un, et deux, et trois... réalisateurs pour "Party Girl": Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. C'est l'une des particularités du film. Une autre étant que Samuel Theis est le fils de l'héroïne principale, Angélique Litzenburger.
Pour le trio, "Party Girl" est leur premier long métrage. Celui-ci a remporté la Caméra d'Or au dernier Festival de Cannes.
Je les ai rencontré, lors d'une fin d'après-midi ensoleillée, dans un hôtel bruxellois. Un entretien placé sous le signe de l'enthousiasme.Samuel Theis, d'où est venu l'idée de faire un film sur votre mère ?
Samuel Theis: Nous sommes en fin de journée, il est temps de changer les cartes. Donc je laisse Marie répondre à ma place.
Marie Amachoukeli: En fait, Claire était étudiante à la Fémis section montage. Elle devait faire un film de fin d'études. Donc elle a fait "Forbach", un moyen métrage. Avant celui-ci, elle m'a rencontré, j'étais aussi à la Fémis section scénario. Elle m'a demandé d'être première assistante. Après, cela s'est transformé, j'ai aussi fait le montage, le mixage, ..."
"A la base, Claire voulait écrire une fiction sur Samuel et son frère. Un jour, Samuel revenait de Forbach et nous a raconté son week-end. Et on s'est dit ensemble que c'était la meilleure histoire à raconter pour ce film. Après moults débats et un temps de préparation très court, les deux frères ont fini par interpréter leurs propres rôles. Leur mère, Angélique avait un rôle, secondaire certes mais elle était très puissante en tant que comédienne. Elle bouffait vraiment l'écran.
Après cela, Samuel est revenu avec l'idée de faire quelque chose sur sa mère. Il nous a demandé de participer à cette aventure. L'idée de base, c'était le mariage, auquel il avait assisté, de sa mère avec un de ses anciens clients, Michel. Il se fait que, pendant le tournage de "Forbach", nous avons vu Angélique rentrer chez ce Michel et c'était assez pénible à vivre. En tout cas, la situation posait beaucoup de questions. Nous nous sommes embarqué dans l'histoire. Après, il a fallu quatre années d'écriture. Il fallait créer une fiction à partir d'un élément vrai.Travailler à trois n'est-il pas difficile, surtout lors du montage ?
Samuel Theis: Vous avez raison, ce ne fut pas simple. La postproduction a été très longue. Nous avons passé sept mois sur le montage. Puis il y a eu le montage son, le mixage, etc..., toutes les étapes de postproduction. Pourquoi le montage a-t-il été si long ? Parce qu'on avait beaucoup tourné. On avait beaucoup de matière. Le premier bout-à-bout faisait trois heures trente. Autant vous dire qu'on a dû tailler dedans. Sacrifier beaucoup de scènes. Le film s'est réécrit au montage.
Claire Burger: On a eu énormément de choix à faire. En terme de structure, on a beaucoup cherché le film. Au final, il n'est pas très éloigné de ce qu'on avait écrit. Dans le sens où il tient le propos qu'on voulait tenir.
Nous étions quatre pour le montage. Deux postes, un monteur, moi. Deux personnes qui, systématiquement, regardent tout. Nous avons passé mal de nuits blanches. Nous étions également d'accord sur le fait que le montage devait sublimer le jeu. Faire passer l'énergie du jeu. Et puis maintenant, il y a une modernité du montage que l'on trouve beaucoup dans le cinéma anglo-saxon. Qui joue des ruptures, des contre-pieds. Il y avait une envie de ça aussi.
Samuel Theis, dans le film, vous n'êtes pas très complaisant avec vous-même. Comment avez-vous vécu cela ?Samuel Theis: J'étais, à la fois, réalisateur et acteur. Donc c'était un peu compliqué de trouver une place. On peut très vite être taxé de servir la soupe ou de se donner le beau rôle. Il fallait que j'apporte quelque chose. Effectivement, je suis le salaud de Paris.
Claire Burger: J'appuie son propos. On ne peut pas nier que Samuel soit extérieur, soit plus cultivé. On aurait pu essayer de changer le personnage, de vouloir le faire parler avec l'accent. Au contraire, on voulait aussi raconter cela pour éclairer le film. Et cela pose d'autres questions existentielles. Etre dans une extériorité par rapport aux membres de sa famille, ce n'est pas facile.
Samuel Theis: Claire et Marie insistaient pour qui j'y aille plus, à des endroits où j'avais du mal à me reconnaître. Parfois le curseur était dur à trouver. Parce que je me disais, putain, c'est un peu too much. Ce n'est pas moi. En même temps, il ne fallait pas que ce soit moi.
Marie Amachoukeli: Ce qui est drôle, c'est qu'on se posait des questions ridicules. Genre quelle est la voiture de Samuel ? Est-ce qu'il arrive en Porsche, en R5 ou en 2 chevaux ? Et comme on ne veut pas dire quelle est sa profession.
Votre film sort des normes habituelles notamment pour le casting, comment cela s'est-il passé ?
Samuel Theis: On a fait beaucoup de casting sauvage. A part Angélique et les quatre enfants, les autres jouent des rôles. Ce sont des acteurs non-professionnels. Il a fallu les trouver. Dans la rue, dans les bars. On ne regarde pas dans un catalogue. En fait, on ne fantasme pas le physique du rôle. Tout à coup, il y a quelqu'un qui correspond.Une dernière question, arrive-t-on à toucher le réel avec la fiction ?
Samuel Theis: Parfois, la fiction permet d'être au réel d'être plus vrai. De sonner plus juste.
Claire Burger: On a fait ce constat. Les deux se nourrissent. Peut-être qu'il y a des réalisateurs extrêmement doués faisant des films oniriques pour arriver à ce que les gens s'identifient, pour qu'ils croient à des choses complètement fantaisistes ou pas du tout réelles. Nous, on s'intéresse au dialogue qu'il y a entre la fiction et le réel. De toute façon, les trois quarts des cinéastes utilisent le réel pour nourrir leur fiction. Nous, on l'a rendu plus apparent.
Lire aussi la critique de Party Girl
Lire aussi l'entretien avec Angélique Litzenburger
Tags : Party Girl, Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis