• Entretien: Jean-Pierre Améris - Une famille à louer

    En novembre 2014, je rencontrais Jean-Pierre Améris pour "Marie Heurtin" (lire ici). Hasard du calendrier et des sorties, dix mois après, sort "Une famille à louer" avec Benoît Poelvoorde et Virginie Efira. C'est avec plaisir que j'ai retrouvé, à Bruxelles, le réalisateur français pour deviser à propos de son dixième film.

    Pourquoi ce film, pourquoi si vite après le précédent ?

    Il faut déjà dire que les tournages s'enchaînent mais que les écritures se mêlent. Je n'ai pas, après "Marie Heurtin", commencé à écrire "Une famille à louer". On fait les écritures en même temps. "Marie Heurtin", ce film sur cette petite sourde-aveugle, m'a pris sept ans, entre 2008 et 2014. "Une famille à louer", l'écriture s'est faite entre 2011 et 2013.
    Claude Chabrol m'avait conseillé d'avoir toujours, quand un film sort, un nouveau projet lancé. Parce qu'autrement, que le film soit un succès ou un échec, vous repartez vraiment de zéro. C'est comme si vous redescendiez de l'Himalaya et que vous deviez remonter tout en haut. François Truffaut avait aussi trois, quatre films en écriture. J'écoute la leçon de ces grands anciens. Parce qu'on ne sait jamais si on va faire un film, on ne sait jamais quand.

    D'où vient l'idée du film ?

    Cela vient vraiment de ma vie. Il se trouve que j'ai découvert la vie de famille tardivement, il y a sept ans. J'avais quarante-sept ans. En rencontrant Murielle Magellan qui est scénariste, la scénariste du film qui nous occupe maintenant. On se rencontre pour écrire un film pour la télévision française d'après Emile Zola, un roman magnifique qui s'appelle "La Joie de vivre". On tombe amoureux et avec elle, je découvre la vie de famille que je n'avais jamais connue. La famille signifiait pour moi conflit plutôt que paix des ménages. En plus, elle était mère d'un garçon de neuf ans. Moi, très maniaque, très obsessionnel, j'ai découvert ça. Qui est très joyeux mais en même temps, embêtant. Un petit garçon qui laisse ses chaussettes dans le salon, qui fait du saut en hauteur sur les canapés. Disons le désordre de la vie. J'ai eu envie de raconter ça.

    Jean-Pierre Améris
    Benoît Poelvoorde, c'était une évidence ?

    C'est écrit pour Benoît, en pensant à lui. Parce que nous avons des points communs comme d'arriver à la cinquantaine sans enfant. A la fois, en se disant qu'on ne serait pas capable ou pas l'envie d'avoir des enfants. Avec une petite mélancolie. Benoît a une très belle formule: "je ne crois pas beaucoup à la famille mais parfois elle me manque".
    C'était inspirant d'écrire pour lui. Je sais qu'il a toute cette tendresse, toute cette finesse en lui. Et notre relation fait qu'il m'a donné beaucoup de choses très intimes.

    Virginie Efira ?

    Elle n'était pas dans les premières versions du scénario. Ce sont les hasards de la vie qui font que j'ai eu envie de tourner avec elle. Nous nous sommes rencontrés à un congrès d'exploitants et de directeurs de salles de cinéma qui a lieu chaque année à Deauville. On y présente les bande-annonces de nos films. On avait le même distributeur et on a été ramené à Paris dans la même voiture. Nous avons discuté et j'ai senti que c'était Violette. Vous voyez, le casting, ce n'est pas qui est meilleur qu'un autre ou une autre mais qui j'ai envie de filmer, qui s'impose. Virginie Efira avait à l'évidence quelque chose de Violette, de cette mère de famille en difficulté mais optimiste, vaillante, très bonne mère.

    Ce sont donc deux Belges têtes d'affiche d'une comédie française.

    En Belgique, les acteurs ont moins le souci de leur image. Benoît Poelvoorde est capable de jouer en pyjama, en pantoufles de cuir avec une lampe frontale, sans dire: "je vais être ridicule". Et Virginie est capable d'être habillée comme Erin Brockovich, limite vulgaire sans jamais l'être, d'avoir l'air parfois un peu nunuche, de rentrer bourrée le soir et de tomber toute droite sur le lit. C'est que j'aime ici, le goût du jeu. Le plaisir enfantin du jeu.
    En fait, en Belgique, il y a un esprit qui me correspond.

    Est-ce plus difficile de réaliser une comédie ?

    Aucun film n'est facile à faire. Avec une comédie, on est sur un fil en permanence. Il s'agit d'être drôle mais il s'agit d'être vrai aussi. Je ne fais pas de la comédie où on se moque des personnages. Il faut oser un gag. Je suis admiratif des gens qui font des films de gags en entier. Comme Jacques Tati, Pierre Etaix, Buster Keaton.
    Une comédie, c'est dur à l'écriture. C'est dur au montage. Il faut du rythme.

    Avez-vous des projets en cours ?

    C'est une période un peu angoissante parce que je n'ai pas grand-chose pour l'instant. J'ai des choses en écriture mais rien d'aussi fort en tant que désir que "Marie Heurtin" ou "Une famille à louer". Là, cela fait un an que je suis sur les routes et il est temps que je rentre à la maison. Il faut quand même vivre pour avoir quelque chose à raconter.

    Lire aussi la critique du film Une famille à louer  

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