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Entretien: Céline Sciamma - Bande de filles
Par Michel Decoux-Derycke - Céline Sciamma est une scénariste et réalisatrice française. Elle a suivi une formation de scénariste à la Fémis. En 2006, son scénario de fin d'études devient son premier long métrage: "Naissance des pieuvres". Le film est présenté dans la section Un certain regard au Festival de Cannes 2007 et récompensé du prix Louis-Delluc du premier long métrage. Elle est également nominée pour le César du Meilleur premier film en 2008. Deux ans plus tard, elle écrit et réalise "Tomboy". Le film fait l'ouverture du Panorama au Festival de Berlin et rencontre un succès critique et public avec plus de 300 000 entrées en France. "Bande de filles", son troisième long métrage, est sélectionné dans la section Quinzaine des réalisateurs à Cannes, au Festival de San Sebastian, à la Mostra de Venise et à Toronto.
C'est à Namur, lors du FIFF où "Bande de filles" était présenté, que je l'ai rencontrée. Entretien avec une réalisatrice aux propos plus qu'intéressants.D'où vient l'idée du film ?
Cela part d'une observation de silhouettes que je croise souvent au gré de mes déambulations parisiennes. Des filles en groupe, solidaires, dans une belle énergie, avec du style, avec du charisme. Je me dis que ce sont des personnalités très puissantes et qu'elles ont tout le potentiel pour être des personnages intéressants. Du coup, j'ai envie de les rencontrer, de les regarder. Dans le même temps, je me fais la réflexion qu'on ne les voit quasiment. Alors qu'on commence à s'intéresser à des gens invisibles, on se dit qu'il y a matière à un film.Ici, vous parlez de la banlieue contrairement à "Tomboy" qui était centré sur l'identité sexuelle, est-ce une volonté de changer ?
En fait, c'est une entité de genre. Le personnage traverse plusieurs identités comme des costumes. Quels pouvoirs cela me donne d'être dans un groupe soudé, très féminin ? Quels pouvoirs cela me donne d'adopter des codes plutôt virils ? De me fondre dans la masse. Cela continue à creuser le même sillon de réflexions et d'enjeux. De jouer, de montrer des personnages qui jouent à être eux-mêmes, à être d'autres.
Effectivement, c'est un nouveau territoire. C'est un challenge qui me plaisait. Le challenge de filmer un groupe, de raconter l'amitié et de faire un spectacle de l'énergie de cette jeunesse.
La scène d'ouverture est une plongée dans un match de football américain, comment avez-vous fait ?
C'est filmé de très près. Je voulais une scène d'ouverture très électrique et assez spectaculaire. Elle raconte le film dans sa dynamique. Parce qu'on a un groupe, un groupe qui joue à être violent. Qui est dans une féminité assez puissante. Il y a aussi le plaisir de filmer le sport. Ce sport qui est très cinégénique.
D'ailleurs, il y a toujours du sport dans mes films: la natation synchronisée dans "Naissance des pieuvres", le football dans "Tomboy". J'aime filmer le sport comme un ballet. Ce sont des chorégraphies qui m'intéressent.
Il y a une scène, très belle d'ailleurs, avec la chanson de Rihanna: "Diamonds", comment avez-vous obtenu les droits ?
J’ai écrit la scène pour cette chanson tout en étant sûre que je n'aurais pas les droits. Une estimation a été demandée à la maison de disques par la production et c'était dans nos moyens. J'ai donc tourné la séquence et donc, il n'était plus possible de la changer ensuite. Or on a appris au montage qu’en réalité nous n’avions pas les droits. Il fallait l’accord de l’artiste. On a envoyé la séquence au manager de Rihanna. Il a vu la séquence et l'a trouvée belle. Entre temps, il s'est renseigné sur ce que je faisais. Finalement, il a donné son accord.
Comment avez-vous constitué votre casting ?
Ce fut assez fleuve. Il a duré plusieurs mois où on a fait feu de tout bois. On a cherché des jeunes filles partout. Des cours de théâtre aux associations en passant par des déambulations dans la rue. Des centaines de jeunes filles ont été rencontrées pour finalement en retenir quatre. Il fallait, à la fois, trouver des individualités très fortes et former un groupe avec son alchimie, son harmonie.
Celles qui ont été choisies n'ont jamais joué au cinéma. J'aime beaucoup ça. Il y a quelque chose de très fort de jouer pour la première fois, il y a un enthousiasme, une envie d'apprendre. On les voit s'épanouir, devenir comédiennes.
Une constatation, votre film est comme le rythme de la vie avec ses moments très forts et ses moments plus calmes.
Vous avez raison. J'aime construire les histoires sur des histoires et des contradictions. Justement, enchaîner une scène avec une énergie folle avec une dans l'intimité d'une chambre, c'est ce qui m'intéresse. Les personnages avancent eux-mêmes dans ce type de contrastes. C'est construit pour favoriser la chronique, l'accompagnement au quotidien d'un personnage.
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