• Entretien: Amélie Van Elmbt - Drôle de père

    Amélie Van Elmbt est réalisatrice et scénariste. Son premier film "La Tête la première", en 2012, a été sélectionné au Festival de Cannes. au FIFF et au Festival du nouveau cinéma de Montréal. Cette année, elle revient avec "Drôle de père", le film a remporté le Prix de la Critique et le Prix Cinevox au FIFF.
    C'est pour parler de son dernier-né que je l'ai rencontrée au Théâtre Royal de Namur.

    Pourquoi ce film ?

    Après mon premier film, je me suis beaucoup consacré à l’éducation de ma fille. J’avais vraiment besoin, en tant que cinéaste, d’amener mon travail, de ne pas être juste une maman célibataire avec son enfant, seule. Mais d’allier ma passion pour le cinéma et pour ma fille. Donc, l’idée de ce film est venu de manière assez évidente. J’avais très envie de traiter l’idée qu’est-ce qui fait un père, de ce lien qui n’est aussi évident qu’il l’est pour une femme qui porte un enfant, qui le sent grandir dans son ventre. Ici, c’était la question d’un homme qui arrive après la naissance. Comment ça se passe, comment on crée un lien avec un enfant et qui ne nous connaît pas ?


    Amélie Van Elmbt (c) Boris Radermacker
    Vous avez choisi votre propre fille pour le rôle d’Elsa ?

    Parce que c’était la matière vivante qui était sous mes yeux. Parce qu’elle a une personnalité très, très forte, elle sait ce qu’elle veut. La qualité qu’elle a, elle est dans le jeu tout le temps, elle est dans le présent, elle incarne tout le temps ce qu’elle est. Elle ne triche jamais par rapport à ça. Aussi, elle a énormément de liberté, elle emmène des scènes à des endroits qu'on n'imaginait pas. Pour Thomas, c’était assez compliqué parce qu’il ne fallait pas que ça déborde. Je pariais qu’elle pourrait devenir une actrice dans le film, elle l’a prouvé, on l’a vue grandir dans le film.

    Thomas Blanchard ?

    Je l’avais vu dans "Préjudice" de Antoine Cuypers. J’ai été hyper-frappée par ce qu’il dégage de l’enfance qui est encore très présente dans sa voix, dans ses attitudes. Je trouvais que ce n’était pas du tout le père qu’on attendait. Je n’ai pas été chercher le père qu’on pouvait imaginer, qu’on pouvait fantasmer. Je me suis dit qu’il incarnait un Peter Pan qui allait devoir prendre ses responsabilités. Il n’est pas encore père, ce n’est pas du tout son univers, c’était intéressant de le confronter à ça.

    Une des surprises dans la distribution, c’est Xavier Seron.


    Oui, je savais quels types de personnages je voulais et plutôt que de le recréer, j’ai directement été prendre les vrais. Sa compagne dans le film est sa vraie compagne. Il est fantastique, il a énormément de fantaisie, il a un vrai univers. Je savais qu’avec ma fille, ça matcherait à fond. Cela crée quelque chose d’assez paradoxal, avec le vrai père, c’est plus compliqué, il y a un enjeu plus profond, avec Xavier, c’est tout de suite la joie, c’est tout de suite la bonne entente.

    Vous avez franchi un pas en faisant votre deuxième film ?

    Oui. C’est très dur de faire un deuxième film, je le dis à tous ceux qui vont faire un deuxième film. Le premier film, il y a quelque chose de spontané, on est libre, on ne réfléchit pas trop. Le deuxième, c’est l’apprentissage, on veut réussir quelque chose, c’est un autre enjeu. Là, j’étais avec des vrais producteurs, j’ai découvert une face de l’industrie que je ne connaissais pas parce que j’ étais allé hors des sentiers battus pour le premier.
    J’avais mis la barre haut puisque réussir un film avec ma fille, c’était déjà un challenge d’arriver au bout, c’était quelque chose de très intense où j’ai beaucoup appris. Pour le troisième, j’ai complètement envie de faire autre chose.


    C’est aussi un film positif.

    J’avais hyper-envie d’offrir ça aux gens, de leur faire du bien. Un film qui soit plein de lumière, plein de rires d’enfants. Parce que je trouve que nos enfants dans nos vies nous amène ça. Ils nous guident vers nous-même et pas dans les endroits qu’on imagine. Surtout dans la génération des trentenaires que je connais bien, on est tous dans nos passions, l’idée de l’enfance arrive bien plus tard puis il faut se sentir prêt et c’est un peu une contrainte. J’avais envie de faire un film qui raconte que l’enfant, c’est la part qui nous manque et qu’on ne peut pas s’accomplir sans un enfant. Je respecte le choix de ceux qui n’en ont pas. Moi, c’est grâce à ma fille que je suis ce que je suis. Elle m’apprend énormément sur la vie, cela pose l’essentiel de la vie.

    Votre tournage s’est passé en Belgique ?

    Oui. A la base, on devait tourner à Liège, pour des raisons financières, on n’a pas pu, on n’a pas eu les fonds. On a finalement décidé de tourner à Bruxelles. J’avais imaginé des lieux par rapport à mon enfance, c’était évocateur de mon imaginaire, j’ai été directement là.

    Nous sommes au FIFF, vous êtes namuroise, votre sentiment ?

    C’est le FIFF qui a confirmé ma vocation de devenir cinéaste. A 12, 13 ans, j’allais voir les films au FIFF. Je l’ai déjà dit plusieurs fois, "Les Diables" de Christophe Ruggia avec Vincent Rottiers et Adèle Haenel, c’est un film qui m’a bouleversée, qui m’ a reconfirmé mon idée de vouloir faire du cinéma. C’est un des films fondateurs de mon désir de cinéma.
    C’est fantastique quand on est enfant, d’être dans une salle sombre, d’oublier sa vie, de vivre quelque chose de nouveau. C’est comme changer de vie. Chaque fois que je sortais d’un film, je me sentais grandie, forte. Je trouvais ça dingue que le cinéma me donne cette puissance-là.


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