• Entretien: Jessica Woodworth - King of the Belgians

    Avec "King of the Belgians", Jessica Woodworth en est à son quatrième film de fiction, en duo avec Peter Brosens. C'est leur première comédie, à la fois, drôle, amusante, jubilatoire et positive.
    C'est dans un hôtel bruxellois que j'ai rencontré la réalisatrice américaine. Entretien placé sous le signe de l'humour.

    Pourquoi ce film ?

    Il faut sauver l'Europe (rires). Sérieusement, il faut parler de l'Europe avec tendresse, avec intelligence, avec humour. L'idée du film est née en 2010, on a mis du temps à l'écrire et à monter le film financièrement parce que personne ne pensait que l'on pouvait être drôle.
    D'habitude, on fait des films très sobres, très sombres et donc, on a du mal à convaincre les Commissions.
    On a eu le temps, cela a évolué. Cela a pris une ampleur inattendue avec les réfugiés, le Brexit et le coup d’État en Turquie. Il y a une lecture rajoutée fortement enrichie par l'actualité.
    Mais bon, on traitait déjà des thématiques comme, par exemple, la fragilité de l'Europe, peut-être l'impossibilité de rester unis.

    L'idée d'un road-movie ?

    On avait besoin d'une raison urgente, une vraie urgence pour que le Roi sauve son royaume. Il n'a qu'une responsabilité dans la vie, garder son royaume intact. Malheureusement, il est en Turquie et tout à coup, sa vie a un sens, il a un but. Il peut montrer aux gens un autre visage.
    Comme par hasard, avec cette tempête solaire comme le volcan islandais, ils sont bloqués, sans communications. Ce n'est que dans l'anonymat qu'il peut rentrer. Le but, c'était de mettre à nu le Roi. Et il doit traverser cette région (les Balkans) riche, très complexe et hantée par son histoire récente, terriblement brisée par la guerre.

    Jessica Woodworth

     Le nom Nicolas III ?

    Il fallait un nom qui traverse,
    un nom qui pourrait être flamand et francophone. Quelque chose qui est porteur d'histoire mais qui ne soit pas trop explicite.

    Comment avez-vous choisi le Roi?

    Peter Van den Begin, on a écrit le rôle pour lui. C'est un grand comédien, tout le monde le connaît en Flandre. Il n'a
    eu aucune peur, il nous connaissait, il nous faisait confiance. Le vrai défi, c'est de trouver l'équilibre entre la légèreté et le sérieux. Au fond, c'est une figure tragique. Au fond, au fond, tout est tragique: l'écroulement de la Belgique, l'Europe remise en question, la Turquie ambigüe, un Serbe traumatisé, ... 

    A propos du Serbe, c'est un comédien ?

    Tout à fait. Il n'était pas très enthousiaste au départ. Bon, on lit un scénario,  on ne sait pas comment les gens vont traiter un scénario. Il n'était pas séduit, l'image des Serbes, les stéréotypes et tout ça. J'ai dû boire du rakija avec lui pour gagner sa confiance. Son respect, moi étant femme. A la fin, il a accepté. Quand nous sommes allés à la Mostra de Venise, il était assis à côté de moi, parmi 1400 spectateurs, il était ravi.

    Il y a un groupe de chanteuses bulgares.

    Oui, le groupe est totalement de la fiction mais ce sont des vraies chanteuses. J'ai dû faire un casting pendant deux ans. Une fois choisies, il fallait trouver les chanteuses disponibles en même temps.
    Quand je leur ai demandé de chanter la chanson communiste, cela a été un peu compliqué. Il a fallu du temps pour comprendre leurs sensibilités.

    Revenons au casting, Lucie Debay ?

    J'ai vu "Melody" en salles. Je l'ai eue au téléphone dès le lendemain. On s'est vues deux heures à l'aéroport puisque je partais faire des repérages en Bulgarie. Elle prend son temps, elle poses des questions très intelligentes. On voit dans les regards, dans les gestes si la personne en face de soi peut incarner le rôle et c'était le cas pour Lucie. Elle a été la dernière à être choisie.

    Où s'est passé le tournage ?

    Une journée à Mini Europe, deux jours à Istanbul, le reste, dix-huit jours, en Bulgarie. C'est très court comme tournage.

    Le fait d'avoir réalisé une comédie va-t-il changer votre optique ?

    On verra. C'est une grande découverte. A Venise, le 3 septembre, on a enfin compris qu'on était capables de faire une chose pareille. Avant, non. Sans public, on ne pouvait pas savoir si ça marchait. A partir d'un quart d'heure du film, les rires ont commencé, les applaudissements aussi.

    Avez-vous eu des réactions du Palais ?

    Non. Le Roi a été invité à Venise, à Gand et à Bozar mais il n'a pas le temps. Dommage ! Dans Variety, le journaliste adore le film, dans son article juste après la première mondiale, il dit que même le Roi des Belges trouverait le film formidable.
    On représente la Belgique avec "King of the Belgians", il a été vendu dans vingt-cinq pays. De toute façon, il sera confronté un jour ou l'autre à des gens qui l'ont vu.

    Lire aussi la critique de King of the Belgians

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