• Entretien: Thierry Binisti - Une bouteille à la mer

    "Une bouteille à la mer" est le deuxième long métrage de Thierry Binisti. Le premier, sorti en 2003, était "L'Outremangeur" avec Eric Cantona et Rachida Brakni dans les rôles principaux. Avant cela, il fut assistant-réalisateur sur "Pétain" de Jean Marboeuf, "Indochine" de Régis Wargnier et "Après l'amour" de Diane Kurys. Il a également réalisé un court-métrage en 1996, "Le livre de minuit".
    Thierry Binisti est venu présenter son film à Bruxelles et à cette occasion, je l'a rencontré.

    Comment vous est venue l'idée de ce film ?

    L'idée m'est venue en lisant "Une bouteille dans la mer de Gaza" de Valérie Zenatti. En lisant ce livre qui est une correspondance de mails entre une jeune israélienne et un jeune palestinien, j'ai eu le désir de voir ces personnages, de les faire exister. J'avais envie de les suivre dans leur quotidien, de montrer leur réalité. C'est comme ça que j'ai, tout de suite, eu le désir d'en faire un film.
    La difficulté est d'aller voir les producteurs et de leur dire: j'ai une correspondance de mails et je veux en faire un film, ils n'y croient pas au début. Après, il a fallu véritablement adapter le roman en film.

    Cela se passe entre Israël et la Palestine, c'est important ?

    C'est même fondamental. C'est véritablement une rencontre entre une jeune israélienne et un jeune palestinien qui ne se connaissent pas. Physiquement, ils ne peuvent pas se voir puisque la frontière fait qu'on ne passe pas d'un côté ou de l'autre. C'est impossible. Donc, pour se connaître, il n'y a pas d'autre moyen que celui que Tal invente. Elle jette cette bouteille à la mer avec cette adresse internet. Sur celle-ci, elle y met toutes ses questions, ses rages, ses interrogations. C'est récupéré de l'autre côté par un jeune palestinien, Naïm, qui décide de répondre. Entre eux, ce n'est pas une correspondance très rose qui se met en place. Au contraire, ils règlent leurs comptes. Petit à petit, parce qu'ils se disent toutes leurs vérités, il y a quelque chose qui se passe. Finalement, on va à la rencontre de l'autre dans sa véritable nature et cela va donner la place à un autre langage.

    Thierry Binisti

    Vous avez tourné en Israël et à Gaza ?

    En Israêl, oui mais pas à Gaza. Si on est journaliste ou humanitaire, on peut rentrer à Gaza. Si on veut faire du cinéma, c'est non. C'est dangereux, du coup, je n'ai jamais eu l'autorisation. Ce que j'ai fait, c'est que j'ai filmé au plus près. Quand on voit Gaza de loin, c'est Gaza. Par contre, pour tout ce qui se passe dans les rues, à l'intérieur des maisons, j'ai tourné dans des villes arabes israéliennes. En revanche, j'ai pu tourner dans un endroit où aucun autre film n'a jamais eu l'autorisation de tourner, c'est au check-point d'Eres. C'est un lieu stratégiquement sensible. Il a fallu de multiples démarches pour obtenir l'autorisation. On l'a finalement eue. En un temps très court, nous avons pu tourner la dernière séquence du film qui était fondamentale.

    Comment avez-vous choisi les acteurs pour incarner les deux personnages principaux ?

    Il a fallu trouver deux jeunes acteurs pouvant jouer la légèreté de la jeunesse et, en même temps, toute l'intensité due à cette vie parallèle qu'ils sont en train de vivre. Cela se joue avec des petits détails. Il me fallait vraiment des comédiens capables d'interpréter la finesse de cette relation."
    "Il y avait aussi le fait que, dans le film, Tal parle l'hébreu et le français. Et Naïm l'arabe et le français. Agathe Bonitzer a dû apprendre l'hébreu et Mahmoud Shalaby, le français. Moi, j'aime bien cette idée que chacun des personnages a fait cette démarche d'apprendre un autre langage. C'est en découvrant un autre langage qu'ils vont être capables de se regarder et se comprendre différemment.

    Votre film peut-il faire évoluer les mentalités ?

    Je ne sais pas. Dans un premier temps, je voudrais qu'il donne la possibilité au public de voir autrement la situation. De la voir, non pas d'un seul côté mais des deux côtés en même temps. Cela peut déjà changer notre propre point de vue. Après, est-ce que l'on peut passer d'histoires individuelles à des décisions politiques. le chemin est très, très long.

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