• Entretien: Radu Mihaileanu - L'Histoire de l'Amour

    Par Michel Decoux-Derycke - "L'Histoire de l'Amour" est le sixième long métrage de Radu Mihaileanu. Ce dernier raconte l'histoire d'un vieux juif polonais immigré à New York vivant dans le souvenir du grand amour de sa jeunesse. Il lui avait promis d'écrire un livre sur elle. Ailleurs dans la ville, une jeune fille découvre l’amour pour la première fois. Leurs destins vont finir par se croiser.
    Radu Mihaileanu était à Bruxelles pour présenter son film, c'est là que je l'ai rencontré. Entretien passionnant comme, à chaque fois, avec le réalisateur français d'origine roumaine.

    D'où vient l'idée du film ?

    C'est l'adaptation d'un livre de Nicole Krauss qui s'appelle "L'Histoire de l'Amour", que j'avais lu en 2006 comme simple lecteur et en amoureux de la littérature. Pas une seconde, je n'ai pensé que je pouvais faire un film à New York, sur plusieurs époques, cela coûterait trop cher, ce serait trop compliqué. Le destin a bien fait les choses, deux producteurs français ont acquis les droits du livre il y a trois ans et sont venus tout de suite me voir. Ils savaient que j'avais beaucoup aimé, ils ont ajouté que le livre semblait écrit pour moi. On retrouve tous les thèmes qu'il y a dans tes films, il n'y a que toi qui puisse le faire.
    Je me suis engagé dessus, j'avoue aussi, qu'il y a trois ans, ce qui m'inquiétait déjà beaucoup, c'est toutes les tensions qui avaient gagné le monde. Je me suis dit qu'il fallait que je donne ça aux gens, une histoire d'amour pas fleur bleue, faisons-nous confiance comme dans "Le Concert". Le merveilleux chez l'humain existe, même dans les déluges qui planent au-dessus de nos têtes en ce moment.

    C'est aussi votre histoire.

    C'est beaucoup mon histoire, c'est ça qui est paradoxal. C'est l'histoire de mon papa qui a survécu à la guerre. C'est aussi la mienne qui a dû partir de Roumanie comme le personnage principal. C'est aussi la mienne qui me pose souvent la question ; "est-ce que l'amour a encore une force, est-ce qu'on est encore fort là-dedans, est-ce qu'on a encore cette part de merveilleux ?"

    Radu Mihaileanu

     La construction du film, avec des flashs-backs, est-elle voulue ?

    C'était déjà
    construit comme ça dans le livre. J'avais adoré, c'est comme dans toutes les histoires d'amour, avec ses zones d'ombre, avec des tiroirs qui, ouverts au fur et à mesure, on a une révélation. On se dit : « ah, le personnage, s'il fait ça, c'est à cause de ça. » Doucement, doucement, c'est ce qui tient le suspense du film, on ouvre des tiroirs, on apprend à chaque fois des éléments nouveaux sur le personnage. Et à un moment donné, quand on met tous les éléments ensemble, quand le puzzle est en place, on se prend la méga-claque.

    L
    es deux personnages d'Alma, l'une contemporaine, l'autre plus ancienne ?

    Ce qui est beau dans la vie, c'est qu'effectivement on prend conscience que notre destin est lié à des destins d'avant
    et parfois même avec des gens que l'on n'a pas connu. Dans notre ADN, il y a une influence venue d'ailleurs, il y a une logique, c'est ça que le film révèle. Il y a un couple d'amoureux, Léo et Alma, qui se sont connus il y a longtemps dans un village polonais et qui s'aiment toute leur vie. En même temps, à New York, une jeune adolescente qui ne connaît absolument pas ce couple-là et n'a apparemment aucun lien avec eux mais qui s'appelle aussi Alma, elle a le même destin, c'est d'être très, très aimé. Donc de rencontrer le grand amour.
    Moi, je suis incroyablement surpris combien j'ai hérité de mes parents, de leur histoire, comment je porte ça, parfois d'une manière douloureuse, souvent d'une manière heureuse. Parce c'est ça qui me rend plus complexe, plus ouvert au monde. C'est-à-dire je n'ai pas vécu la Deuxième guerre mondiale, les camps de concentration mais effectivement, cela me préoccupe beaucoup quand cela se passe au Congo, au Rwanda, au Cambodge ou n'importe quelle barbarie dans le monde : les attentats de Bruxelles et de Paris.
    C'est un écho différent en moi car j'ai hérité, de manière inconsciente, l'ADN et la vie de mes parents.

    Le couple de vieux Juifs Derek Jacobi-Elliot Gould ?

    Il était dans le livre un peu moins drôle. Il y avait plein de personnages avec ces deux vieux mais je n'allais pas faire un film rien qu'avec eux. Ces vieux-là, je me suis dit que c'était des gamins, ils se chamaillent tout le temps, ils ont des dialogues de jeunes. Ils sont comme chez Woody Allen donc j'ai regardé avec eux beaucoup Woody Allen, la rythmique principalement.
    Ils s'engueulent tout le temps même si ce sont les meilleurs amis du monde. Ils bougent beaucoup surtout dans l'appartement de Léo, ils se courent tout le temps autour de la table.

    Vous avez un beau casting, comment avez-vous fait ?

    C'est formidable. Il y a un acteur extraordinaire, Derek Jacobi, peu connu même si on l'a vu dans "Gladiator", des séries télé. Après, il y a Elliot Gould qui est mythique, il a joué dans "MASH", « Ocean's Eleven", "Ocean's Twelve". Gemma Atterton est l'actrice qui monte à Londres comme à Hollywood, elle est d'une beauté et d'une pétillance incroyable. Messieurs, allez la voir ! Egalement Sophie Nélisse qui a trois films américains qui sortent l'année prochaine.

    Où s'est passé le tournage ?

    On a tourné dans trois pays. Une grande partie à New York, une partie à Montréal parce que c'était moins cher et que maintenant, les Américains tournent New York à Montréal. Le reste en Roumanie où on a reconstitué le village polonais.

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