• Entretien: Pierre Jolivet - Jamais de la vie !

    Par Michel Decoux-Derycke - Pierre Jolivet est un scénariste et réalisateur français. Il a notamment écrit "Le Dernier Combat" et "Subway" pour Luc Besson. En 1985, il réalise pour la première fois: "Strictement personnel". "Force majeure" est son premier grand succès, il y aura aussi "Fred" et "Ma petite entreprise". Au total, Pierre Jolivet a réalisé quinze films en trente ans.
    Je l'ai rencontré à Mons. Entretien avec un réalisateur dont le cinéma parle de héros ordinaires.

    D'où vient l'idée du film ?

    On ne sait jamais d'où vient l'idée d'un film. D'un coup, on traverse un endroit, on pense à quelqu'un dans ce lieu et on se dit: qu'est-ce qui pourrait se passer ? Dans mon cinéma, c'est très récurrent. Je suis assez pris par la grande aventure qui attend au coin de la rue. Je pense que tout le monde est un héros potentiel. Donc j'adore ces endroits de banlieue un peu isolés que je trouve très cinématographique.
    Le gardien de nuit est un métier qui m'a toujours fasciné parce que je me demande ce qu'on fait la nuit seul. Quand on doit rester éveillé. Je crois qu'on pense beaucoup. Il y a là une alchimie qui m'intéresse.


    Dans votre cinéma, ce sont souvent des hommes qui essaient de se dépatouiller, de se dépasser.

    C'est un grand thème du cinéma en général. C'est vrai que le héros n'est pas un héros au départ, la plupart du temps dans mes histoires. Il le devient au fur et à mesure du film. C'est un point dramatique qui m'a toujours plu. C'est-à-dire quand un événement X arrive dans le destin de quelqu'un, il va devoir changer, se surpasser.

    Pierre Jolivet

    La banlieue est un des personnages du film, qu'est-ce qui vous intéressait dans ce lieu ?

    J'ai toujours trouvé les centres-villes assez ennuyeux, très attendus et un peu touristiques. La lointaine banlieue est un lieu très fort avec des perspectives, des espaces. Ce qui m'intéresse aussi, c'est que c'est un lieu, dans le monde civilisé, qui est partout le même. Entre l'aéroport et la ville, on trouve beaucoup ces endroits qui sont ni la campagne, ni la ville. Qui sont des espaces à habiter. Et à habiter par des histoires fortes.

    Vous parlez de cette société qui écrase les gens.

    On le sent bien, on va vers des heures sombres. En Europe, la situation est compliquée. Il y a ces gens qui ne vivent plus, qui survivent. Là, il y en a un qui se rebelle, qui ne se laisse pas faire. C'est un ancien délégué syndical qui s'était endormi. Il comprend aussi que l'assistante sociale n'est pas mieux lotie que lui. Elle a aussi des problèmes financiers. Pour tous les deux, un euro est un euro.

    Pourquoi avoir choisi deux acteurs belges: Olivier Gourmet et Marc Zinga ?

    C'est un hasard. Olivier est considéré, en France, comme un grand acteur. Pour Marc Zinga, il correspondait tout à fait à l'idée du personnage que je me faisais. Je l'ai vu dans "Qu'Allah bénisse la France", je l'ai trouvé formidable. Il y a aussi Thierry Hancisse de la Comédie française, qui est un de vos compatriotes.
    Je les ai choisis, non pas parce qu'ils sont belges, mais parce que ce sont de bons acteurs. Olivier, il a cette force et cette humanité qu'on lui connaît depuis qu'il tourne avec les frères Dardenne. Il n'intectualisé pas ses rôles et donc il y a une vérité physique qui n'est pas calculée. Il y a une force brute. Marc, c'est un des acteurs les plus doués de sa génération.


    Et Valérie Bonneton ?

    J'avais envie d'un contre-emploi. Quelqu'un qui dégage une humanité particulière. Elle est bonne fille, Valérie. On la voit très hystérique au cinéma et moi, j'avais envie de quelque chose de moins hystérique où elle prendrait une place un peu différente. Elle dégage une compassion, une générosité formidable. C'est de ça dont j'avais besoin. Elle avait aussi envie de se démarquer de ses rôles habituels.

    Votre film se passe le plus souvent la nuit, est-ce plus difficile de tourner dans ces conditions-là ?

    Non, c'est beaucoup plus facile de tourner la nuit. Il n'y a personne. Ce qui était le plus compliqué, c'est le parking du supermarché. Il fallait qu'on l'ait à certaines heures mais on ne pouvait pas fermer le supermarché. Cela a été très, très sport à organiser. Mais c'était très amusant à faire. De toute façon, tourner en banlieue ou en province est toujours très facile, les gens sont très disponibles.

    Comment arrivez-vous à faire un film social sans que cela devienne chiant ?

    C'était ça, le pari du film. Comment peut-on faire un film pas plombant sur un sujet plombant ? C'était un exercice qui m'intéressait. Et comment faire comprendre que le personnage principal s'emmerde la nuit sans emmerder le spectateur ? Pour moi, ce ne peut pas être plombant puisque c'est ma vision du monde. Parce que je ne trouve jamais plombant la vie des autres. La vie peut être dramatique mais elle est toujours excitante. Il y a des êtres humains à voir, à regarder, à connaître et à aimer. 

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